“America”: Donald Trump’s United States as Seen by Writers

“Le FBI aura-t-il la peau de Donald Trump ?” titre le troisième numéro de la revue America. La couverture du trimestriel promet, outre la réponse à cette question, un grand entretien avec le sulfureux James Ellroy, un road trip le long du Mississippi avec Philippe Besson et la dernière nouvelle de Jim Harrison.

Ce “mook” — entre “magazine” et “book” — de 200 pages est le pari fou de François Busnel, présentateur de La Grande Librairie et ancien rédacteur en chef du magazine Lire. Avec Eric Fottorino, fondateur du journal hebdomadaire Le 1, ils proposent “un nouveau regard” sur l’Amérique de Donald Trump. Un regard littéraire, en seize numéros répartis sur les quatre ans de son mandat.

Prendre le temps du reportage

“Tous les experts qui prédisaient qu’Hillary Clinton serait présidente se sont trompés”, se souvient François Busnel. “Les romanciers, eux, avaient annoncé ce changement. Ils ont une hypersensibilité que les journalistes n’ont pas.” Il cite Donald Ray Pollock, qui raconte la Rust Belt des classes moyennes en perte de repères, et Wendell Pierce dont le dernier ouvrage décrit La Nouvelle-Orléans dévastée par le passage de l’ouragan Katrina. “Les écrivains viennent des Etats où les experts ne vont pas. Or on ne comprend pas les Etats-Unis en se promenant sur la Cinquième Avenue de New York.”

François Busnel connaît son sujet : en 2011, il se promenait de Brooklyn à Memphis pour la série de documentaires Carnets de route. “Cette fois, j’ai eu envie de créer un journal de reportages dans lequel on enverrait des écrivains et grands reporters sur la route, faire les hobos et raconter leurs voyages sans prétendre à l’objectivité. Prenez le train, allez dans le Bronx, dans les faubourgs de Pittsburgh, ou sillonnez en voiture les vieilles routes de l’Arizona… Pourquoi les éditorialistes ne racontent-ils pas cette Amérique-là, celle des déclassés et de la désillusion ?”

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Le critique déplore la disparition des feuilletons et grands reportages des pages des journaux. “Je commande pour America les papiers que j’aurais aimé lire dans d’autres revues, avant les élections, et que je n’ai pas lus. La presse française parle des Etats-Unis mais n’a plus la place de publier de longs formats.” Conquis par la revue XXI, il ne cache pas son admiration pour les récits d’Hunter S. Thompson et de John Steinbeck.

Une Amérique pop et romancée

Un grand entretien avec Barack Obama sur l’importance de la littérature, la biographie de John Jacob Astor par Eric Vuillard, le décryptage du Huckleberry Finn de Mark Twain… Au fil des numéros, America mélange reportages de dix pages, chroniques, interview fleuves et dossiers d’analyse fouillés. Les Etats-Unis se racontent à travers les grands classiques de la littérature, les nouvelles publiées en exclusivité, ses films cultes et récits de voyages. “Ce pays est pop : il a inventé le roman d’horreur, la Beat generation et le nouveau journalisme. Ils sont les seuls à avoir un prix Nobel qui écrive des chansons !”, souligne François Busnel.

Il n’hésite pas à qualifier Donald Trump de “personnage de roman”. Au risque de minimiser la portée des décisions du président ? “Pas du tout, un personnage de roman est on ne peut plus sérieux. Il peut être plus réel que l’analyse, car on entre dans sa psychologie. La littérature est un détour qui, paradoxalement, amène à la vérité.” En attendant les “œuvres grandioses” qu’inspireront l’ère Trump, les romanciers et reporters d’America partent à la découverte du pays qui l’a élu, et le racontent sans préjugés.