France, the New World Leader (in Soft Power)

Un classement symbolique publié par une société anglaise de relations publiques nous révèle que la France serait devenue le premier pays au monde en « soft power », dépassant les Etats-Unis. Qu’est-ce à dire ?

Le terme soft power est récent, popularisé dans les années 1990 par l’universitaire américain Joseph Nye. Celui-ci, en s’opposant aux interventions militaires américaines et aux postures trop offensives, a fait valoir que les relations internationales étaient en vérité dominées par des stratégies d’influence culturelle. On écoute un gouvernement sur les affaires du monde s’il représente un pays que l’on respecte ou que l’on envie. Dans cette optique, le rêve américain, le mode de vie américain et ce que les Etats-Unis représentent seraient plus déterminants que la puissance de feu de l’armée américaine.

Le soft power, non mesurable, s’oppose au hard power, militaire et quantifiable. Le Vatican, qui n’a pas d’armée propre, exercerait ainsi une influence internationale plus significative que ne laisserait croire sa Garde suisse. Joseph Nye a raison, en partie, à condition de n’être pas confronté à un adversaire qui ne croit pas aux vertus du soft power. Hitler, Bachar al-Assad ou Kim Jong-un furent et restent insensibles aux charmes de l’Amérique ou de la mode française.

La théorie du soft power me paraît plus déterminante dans les échanges économiques. L’image positive d’une nation apporte une sorte de valeur culturelle ajoutée qui oriente les flux économiques. On achète un parfum français au-dessus de son prix réel parce que ce faisant, le consommateur a le sentiment de partager un peu de la civilisation française. En revanche, aucun consommateur n’achète un produit chinois pour sa culture mais parce que la Chine, qui a peu de soft power, voire un soft power négatif, vend au prix le plus bas du marché.

Le soft power détermine les flux touristiques. La France en profite, au même titre que l’Italie et l’Espagne, qui attirent par leur climat et leurs monuments. Le soft power attire également les flux migratoires vers les pays à image positive, comme les Etats-Unis et l’Allemagne. En revanche, des destinations objectivement supérieures, comme le Canada ou l’Australie, attirent moins parce que ces pays ont peu de soft power.

Peut-on agir sur le soft power et l’améliorer ? Ce n’est pas facile, car l’image des nations est portée par des mythes autant que par des réalités. La première place de la France doit beaucoup à une certaine idée de la France qui remonte à Louis XIV, à Balzac et aux Impressionnistes ; la France contemporaine est moins connue et contribue moins à son image que le passé. Le soft power ne peut donc pas être déterminé mais il peut être entretenu et influencé. La France a les Instituts Français et les Alliances Françaises, l’Allemagne le Goethe-Institut, l’Espagne les instituts Cervantès et la Chine les instituts Confucius. Les Etats-Unis n’ont rien ; le cinéma et la musique suffisent sans doute.

On décrit le monde comme une collection de nations, mais c’est aussi une collection d’images mythiques. Celles-ci ont été forgées par les siècles, les artistes et les médias plus que par les politiciens. Qui se souvient du nom du président français au temps des Impressionnistes ? (Patrice de Mac Mahon et Jules Grévy.) Le soft power est une leçon d’humilité politique. Même si l’image de Macron apporte un supplément de soft power — et celle de Trump un déficit —, son effet n’est que passager