Harassment or Seduction: A Franco-American Debate

Le débat sur le harcèlement sexuel a repris de plus belle en France. Ravivé par une tribune publiée dans Le Monde par une centaine d’intellectuelles, actrices et éditrices, il met à jour une incompréhension entre Françaises et Américaines.

Dans une lettre ouverte parue le 8 janvier dernier, une centaine de Françaises dénonçaient les mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc, qu’elles décrivent comme “une campagne de délation et de mises en accusation publiques d’individus […] sans qu’on leur laisse la possibilité ni de répondre ni de se défendre”. Dénonçant le “puritanisme” qui enferme les femmes dans le rôle de “victimes” et les infantilise, elles défendent la “liberté d’importuner”.

Dénoncer ceux qui dénoncent le harcèlement : à en croire les journalistes étrangers, seule la France pouvait imaginer un tel revirement. Si la lettre ouverte a fait réagir de nombreuses voix françaises (la romancière Leïla Slimani et la journaliste Laure Adler notamment), elle souligne une spécificité française : le cliché tenace de la femme libérée, qui fait de la séduction une arme et joue avec les codes de “l’amour courtois”. Dans une planche sur le sujet, l’illustratrice féministe Emma ironise : “Oui au harcèlement, s’il est mondain”.

Américaine expatriée en France, la journaliste Rachel Donadio soulève la complexité du sexisme dans son pays d’adoption, où “une femme grandit avec l’idée qu’elle doit se connaître elle-même et qu’elle peut utiliser l’arme de la séduction à sa guise”. Faut-il y voir “une forme d’émancipation” ou “la preuve d’une culture profondément sexiste”, s’interroge-t-elle dans un article publié dans The Atlantic.

Dans le New Yorker, Lauren Collins insiste de son côté sur le fait que les signataires de la tribune du Monde soient “principalement […] des personnalités blanches issues du monde des arts”. Elles sont journalistes, professeurs, psychanalystes ou chanteuses, et non femmes de ménage ou chauffeurs de bus. La journaliste pointe également le décalage de génération entre celles ayant vécu la révolution sexuelle et les plus jeunes féministes.

Si le mot-clé #MeToo a libéré les témoignages des femmes sur les réseaux sociaux, le mouvement s’est mué en France en #BalanceTonPorc et a entraîné une vague de dénonciations… pas toujours bien vues. “Pour bon nombre d’Américaines, le fait de ne pas être seule est source de réconfort et le fait de s’exprimer fait naître un sentiment de solidarité”, souligne Rachel Donadio. En Europe, à l’inverse, les femmes ont peur de passer pour des “traîtres” ou des “collabos” si elles révèlent les agissements de leur collègue ou de leur employeur. The Atlantic rappelle, à juste titre, qu’aucun homme n’a pour l’instant été licencié pour harcèlement sexuel en France et cite l’exemple de l’actrice Asia Argento, applaudie aux Etats-Unis pour avoir “balancé” Harvey Weinstein, mais dénigrée en Italie.