Cinéma

Julie Delpy : « J’ai un regard d’étrangère sur les Français »

Plein de préjugés, raciste sur les bords, ne maîtrisant pas l'anglais, bruyant, irrespectueux et râleur, le Français en Amérique n'est pas de tout repos. Dans Two Days in New York, suite de Two Days in Paris, Julie Delpy dépeint avec causticité la visite de sa famille française aux Etats-Unis.
Julie Delpy dans Two Days in New York. © Polaris Films

France-Amérique : Le film donne l’impression que votre personnage – New-Yorkaise d’adoption – redoute que sa famille soit « trop française » pour les Etats-Unis…

Julie Delpy : Quand les Français sont dans leur élément, ça passe. Mais à l’étranger, il y a ce côté très gaulois, très grande gueule qui ressort chez eux. Dans un autre pays, le Français est assez dissipé et ne se plie pas trop aux lois. Evidemment il y a de tout, il y a aussi des familles bourgeoises coincées. Mais en faisant ce film, j’ai plutôt pensé aux personnes qui lisent Charlie Hebdo.

Avec ces personnages caricaturaux qui en font des tonnes, ces scènes exagérées, on a l’impression de voir une comédie américaine !

C’est vrai que c’est une farce américaine, peut-être parce que ça fait vingt ans que j’habite ici. La culture, la comédie américaine font vraiment partie de ma vie. Le film n’a pas un ton de comédie française, c’est sûr.

Le regard est aussi celui d’une Américaine sur les Français ?

C’est peut-être parce qu’en vivant ici depuis très longtemps, je me suis un peu détachée des Français tels qu’ils sont. Et quand je les observe, j’ai un peu un regard d’étrangère sur les Français. Je ne les comprends plus toujours.

D’où vient votre fascination pour la ville de New York ?

Avec le cachet de mon tout premier film, je suis partie à New York. Je n’avais que 16 ans. Je dormais chez des gens que je rencontrais dans des bars, dans des boîtes. Je n’étais pas peureuse du tout. J’allais dans le East village, à Alphabet City. Et en 1987, c’était quelque chose de spécial et hallucinant de danger ! J’aime encore beaucoup New York, mais c’est aujourd’hui très polissé. A l’époque, il y avait un côté rough. J’aimais bien cet univers un peu plus cru. Je veux un t-shirt « Bring crime back to Manhattan » !

Où habiteriez-vous aujourd’hui à New York ?

On me dit toujours Brooklyn, mais je n’aime pas tellement ce quartier. Je sais que tout le monde y est et j’ai plein de copines là-bas. J’aime encore bien Manhattan. J’irais peut-être dans Chelsea parce que c’est calme, il y a des parcs, pas beaucoup de monde, c’est bien pour un môme [Julie Delpy a un fils de trois ans].

Lorsque vous avez été nommée en 2005 aux Oscars pour le scénario de Before Sunset, on vous promettait une grande carrière à Hollywood. Est-ce que vous regrettez de ne pas avoir persévéré dans cette voie comme le fait aujourd’hui Marion Cotillard ?

J’ai fait un film hollywoodien, Le loup-garou de Paris, qui était très mauvais. Et le tournage était à chier. Je me suis dit, ça ne vaut pas le coup de faire ces conneries américaines. Et du coup, j’ai refusé de faire tous les films hollywoodiens à partir de ce moment-là. Même des films pas mauvais comme La momie. Je voulais faire de l’indépendant, réaliser, écrire. Si je m’étais lancée dans une carrière hollywoodienne, j’aurais été trop occupée à tourner dans des films pour me consacrer à mon travail d’écriture. Quand on est occupé, bien payé, on n’a pas à se battre. Le fait d’avoir eu des moments très difficiles, ça m’a permis de construire autre chose.