L’intervention ou la discussion : quelle réponse face aux menaces terroristes ?

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Entre 1881 et 1901, les attentats terroristes ont coûté la vie à un tsar russe, un président français, un président du Conseil espagnol, une impératrice autrichienne, un roi italien et un président américain. “Dans le cas d’événements similaires aujourd’hui, quelle serait notre réponse”, s’interrogeait récemment un groupe de chercheurs, journalistes et personnalités politiques lors d’une conférence sur les conséquences des attentats de Paris organisée par la French-American Fundation. Nouveaux terrorismes, nouveaux défis.

Depuis quelques semaines, observe Adam Gopnik, journaliste au New Yorker et ancien correspondant à Paris, on assiste à “un basculement extraordinaire” de l’opinion publique : des gens auparavant sceptiques quant à une intervention militaire sont en train de changer d’avis de manière drastique. Le philosophe Pascal Bruckner, “lui-même très peu militariste”, déclarait récemment que “nous sommes en guerre et devons agir comme tel”.

Qu’est-ce qui différencie donc les menaces terroristes actuelles de celles que l’on connaît depuis cent ans ? Devrions-nous singulariser ces menaces en les traitant comme des évènements à part dans l’histoire du terrorisme, ou devrions-nous considérer qu’elles peuvent être contenues comme tant d’autres menaces par le passé ? Suite aux attentats du 13-Novembre, la juste réponse est-elle militaire et fondée sur le déploiement armé, ou est-elle politique et basée sur la négociation diplomatique et l’action sociale ?

“La France n’est pas engagée dans une guerre à ses frontières, mais dans une guerre avec elle-même”, analyse Martin Schain, professeur de politique comparée à NYU, avant de dresser le portrait d’une seconde génération d’immigrants née en France, européanisée, mais en train de se heurter au “plafond de verre” et pessimiste quant à son futur en France. Pour le chercheur, il est dangereux de penser en termes d’invasion et d’armée lorsque la crise est nationale et que les parties en présence sont “vos propres citoyens” : “Ce n’est pas une situation que l’on résout par une intervention militaire comme en Afghanistan ou en Irak, mais en interne, par une coopération entre les pays européens”.

Trouver une alternative à l’approche militaire frontale, c’est aussi le point de vue de Raymond Kelly, ancien directeur de la police de New York et président de la société de défense et de renseignements K2 Intelligence. “Si nous nous impliquons militairement [en Syrie], je ne pense pas que nous gagnerons et cela ne fera que renforcer de manière considérable l’influence de l’Etat Islamique.” S’il rejette l’idée d’une confrontation armée, il insiste toutefois sur l’importance pour les Etats-Unis de maintenir une présence au Moyen-Orient en accentuant le rôle de ses forces spéciales. Il souligne que “l’islam radical n’est pas une armée mais une force de guérilla” et doit être combattue comme telle.

“Empêcher de nouveaux attentats”

“Il y a d’autres exemples d’éruptions islamiques dans le passé”, explique quant à lui Michael Mukasey, avocat, juge et ancien Attorney General, rappelant la rébellion mahdiste au Soudan en 1898-1899—un soulèvement d’abord ignoré par les Britanniques avant que la mort d’un de leurs généraux puis de leur allié, l’empereur d’Ethiopie, ne les pousse à intervenir militairement pour “écraser” l’insurrection musulmane. “La seule manière de détruire l’Etat Islamique, c’est de le détruire sur le terrain, là où il est.” Il est également nécessaire de stopper le recrutement de nouveaux terroristes, continue Michael Mukasey, et de mettre fin à l’élément de succès dont jouit la doctrine islamiste depuis l’explosion d’un avion russe au dessus du désert égyptien et les attentats de Paris et de San Bernardino.

“Mettons-nous à leur place”, incite Judith Miller, ancienne reporter au New York Times et spécialiste du Moyen-Orient pour Fox News, insistant quant à la nécessité de supprimer l’élément de succès de l’EI. “Oussama Ben Laden lui-même disait que les Musulmans suivent toujours le cheval le plus fort.” Chaque nouvel attentat, chaque nouvelle victoire, elle poursuit, alimente la propagande de l’Etat Islamique et pousse dans ses bras de nouvelles recrues. Supportées par les communautés musulmanes locales, les forces spéciales doivent cibler les groupes islamiques et les empêcher de mobiliser, organiser et entraîner les milliers de jeunes recrues qui leur arrivent chaque jour, insiste Judith Miller. “Nous ne pouvons rien faire contre le message victorieux de l’EI tant qu’ils ne ne commencent pas à perdre : nous devons les stopper militairement et les traiter en perdants, et rapidement, nous parviendrons à réduire leur succès auprès des jeunes générations.”

La réponse aux attentats de Paris doit passer, “bien sûr”, par une intervention politique et sociale en Europe, et diplomatique et militaire au Moyen-Orient. Cependant, conclut Martin Schain, “la question n’est pas de savoir si l’on peut vaincre l’Etat Islamique en Syrie et en Irak, mais si l’on peut empêcher de nouveaux attentats”.