Pourquoi il n’y aura jamais de vols transatlantiques à 10€

Impossible cette semaine d’échapper à l’annonce de la compagnie Ryanair qui envisagerait de proposer des vols transatlantiques à 10€ à l’horizon 2020. France-Amérique vous explique pourquoi il s’agit avant tout d’un effet annonce qui a peu de chance de se concrétiser un jour.

Coup de com’ réussi pour Ryanair. Le conseil d’administration de la compagnie low-cost a validé cette semaine le projet fou de son directeur général, Michael O’Leary, de s’attaquer au marché des vols entre l’Europe et les Etats-Unis. Proposer des vols à 10€, Ryanair en parle depuis plus d’un an. Désormais la compagnie irlandaise a le feu vert pour s’équiper en longs-courriers, un processus long et coûteux qui devrait donc prendre près de cinq ans. Selon l’annonce de Ryanair, les vols devraient relier entre 10 et 15 villes européennes et américaines parmi lesquelles Paris, Londres, New York, Chicago et Miami.

En Europe comme aux Etats-Unis, la nouvelle a été très largement relayée. Les expatriés, confrontés aux prix exhorbitants des billets d’avion, se sont pris à rêver. Comme dans la plupart de ses vols low-cost en Europe, Ryanair fera payer pour chaque bagage, pour les repas servis à bord, et pour les divertissements (télévision, musique). De plus, la compagnie irlandaise a d’ores et déjà précisé que seuls quelques billets par an seront vendus au prix dérisoire de 10€. Michael O’Leary affirmait il y a un an déjà que la plupart des sièges ne coûteraient pas moins de 140€. Ce qui, même pour un aller simple, reste une bonne affaire si Ryanair y parvient.

Transatlantique low-cost, un doux rêve de consommateur

France-Amérique avait interrogé en novembre 2014, Gérard Feldzer, ancien pilote de ligne et ancien directeur du musée de l’aviation du Bourget, sur les annonces de Ryanair qui n’avait alors pas encore été confirmées par son conseil d’administration. Ce dernier était très sceptique sur la pratique de tels prix pour des vols transatlantiques. “Ryanair, ce sont des rois de la com’ ! Le prix évoqué est totalement farfelu”. Le business model des compagnies low-cost – avec une rotation et une durée d’utilisation quotidienne des avions plus importantes que les compagnies traditionnelles – semble difficilement applicable au marché long-courrier. “Les compagnies low-cost pourront toujours proposer aux passagers d’être serrés comme des sardines en cabine, mais les prix ne baisseront jamais autant que sur les vols moyen-courrier”, analyse Antoine Huet, directeur commercial Amérique du Nord de Air-France-KLM. Par contre un billet entre 100 et 150 euros ne paraît pas inimaginable “ajoute Gérard Feldzer.

Ryanair n’est pas la première compagnie à se lancer dans un projet ambitieux de low-cost transatlantique. La compagnie canadienne Zoom Airlines avait tenté l’expérience entre 2002 et 2008 avant de faire faillite. Elle desservait Montréal, Toronto, Calgary et Vancouver au départ de Paris. Mais le prix du kérosène avait eu raison du business model de la compagnie. Plus récemment, Norwegian Air Shuttle a lancé en grande pompe en 2008 des vols Londres-New York à 200€. Un tarif plus réaliste que les 14€ de Ryanair, et qui ne se vérifie plus vraiment dans les faits aujourd’hui. En effectuant des recherches le 18 mars sur les vols des six prochains mois, le billet le moins cher est à 287,60€ et n’est disponible que trois jours, du 13 au 15 mai. Pour un billet aller-retour, impossible de trouver en-dessous de 585€. Des prix qui restent assez bas face à la concurrence, mais qui pourraient ne pas durer. En effet, en 2014, et pour la première fois en huit ans, Norwegian Air Shuttle a terminé l’année avec un déficit de près 77 millions d’euros selon Bloomberg.

A quand des vols plus rapides ?

3h30.Une durée inimaginable aujourd’hui pour un vol Paris-New York et qui était pourtant une réalité entre 1976 et 2003. C’était l’époque d’un avion supersonique au destin tragique, le Concorde. Pouvant dépasser Mach 2, il battra un record, le 25 décembre 1989, en effectuant la traversée Paris-New York en 2 heures, 59 minutes et 40 secondes… Les places dans l’avion étaient à un tarif sans commune mesure aujourd’hui, puisqu’un aller-retour Paris-New York pouvait s’élever à 8 100 euros.

Peut-on imaginer l’apparition d’un nouvel avion supersonique, qui diminuerait la durée de vol entre la France et les Etats-Unis ? “Ce n’est pas impossible, mais il faudra attendre longtemps, cela ne risque pas d’arriver avant 2050”, prédit Gérard Feldzer. Jean Philippot, directeur adjoint d’Air France en Amérique du Nord au moment du lancement du Concorde, était plus sceptique lorque nous l’avons interrogé en novembre dernier : “Je n’y crois pas trop, pour la même raison qui a expliqué l’absence de rentabilité du Concorde : le prix du kérosène est amené à croître durablement”. Robert Galan, auteur de La Grande histoire de l’aviation en 501 petites histoires (Editions Privat) semble disposer d’informations sur les intentions des deux constructeurs, Boeing et Airbus : “Des projets d’avions supersoniques sont dans leurs cartons, ils attendent d’avoir l’opportunité de lancer de tels chantiers, afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs que lors du lancement du Concorde”. Les compagnies aériennes seraient-elles demandeuses d’un nouvel avion supersonique ? Antoine Huet répond favorablement : “Si un constructeur est capable de proposer un supersonique viable économiquement, Air France signe tout de suite !”

La société britannique Reaction Engines conçoit actuellement un projet d’avion commercial hypersonique. Baptisé “A2”, ce supersonique sans hublots devrait transporter 300 passagers à mach 5, soit une vitesse de plus de 6 000 km/h et plus du double de la vitesse du Concorde (mach 2). A cette vitesse, Paris ne serait qu’à 57 minutes de New York…  L’avion pourrait être opérationnel d’ici 25 ans avec un coût du billet d’environ 3 500 livres (4,657 euros).

L’appareil a été mis au point dans le cadre du projet LAPCAT (long-term advanced propulsion concepts and technologies) dont 50% du financement (7 millions d’euros au total) provient de l’Union européenne. Ce projet de trois ans, coordonné par l’Agence spatiale européenne (ASE), est destiné à encourager les sociétés à mener des recherches pour appliquer aux transports aériens commerciaux des technologies utilisées dans le vol spatial, mais en restant dans l’atmosphère terrestre.