The French Tradition of Striking

Jadis, les Français manifestaient leur mécontentement en dressant des barricades. Aujourd’hui, ils se mettent en grève.

Il est vrai que des barricades dans Paris, on n’en a plus vu depuis mai 1968. Le général de Gaulle, qui gouvernait alors, prit l’initiative d’enlever les pavés et, à la place, de bitumer les rues. Plus de pavés, plus de barricades. Mais s’opposer à la grève est autrement plus complexe, d’autant que la grande majorité des Français, même quand ils sont victimes, estiment que la grève est légitime. Le gouvernement d’Emmanuel Macron, comme celui de ses prédécesseurs, espère toujours, mais en vain, que les usagers vont se révolter contre les grévistes. Ceux-ci, en effet, nuisent aux usagers, leur font perdre beaucoup de temps et d’argent et, de surcroît, ces grévistes sont des fonctionnaires qui ne peuvent être licenciés.

Peu importe aux Français, qui vibrent à l’unisson des grévistes, représentation théâtrale des révolutions de naguère dont le pays entretient la nostalgie. Au bout du compte, tout le monde y perd : les grévistes qui n’obtiennent jamais que le maintien du statu quo, les usagers, les entreprises lésées par l’arrêt de leurs activités, et le gouvernement qui a provoqué ce désordre inutile.

Vue d’Amérique, cette culture française de la grève — car c’est une tradition culturelle — laisse perplexe. Les grèves aux Etats-Unis sont rares et affectent plutôt les entreprises privées. Dans le secteur public, en règle générale, c’est la jurisprudence Ronald Reagan qui règne : en 1981, quand 11 000 aiguilleurs du ciel, des employés fédéraux, se sont mis en grève, le président les a tous licenciés puis remplacés. Ce mauvais souvenir hante les syndicats américains, devenus très prudents.

Je n’irai pas jusqu’à opposer la culture de la grève française à cette prudence américaine : ces jours-ci, les enseignants de l’Oklahoma sont en grève pour obtenir une augmentation de salaire. Mais les grèves américaines n’ont pas le parfum révolutionnaire qu’elles ont en France : aux Etats-Unis, il est question d’argent, mais en France, on se bat aussi pour des principes et, en particulier, contre le capitalisme.

Dans quelques jours, les Français commémoreront la Fête du Travail, le 1er mai, en ne travaillant pas. Savent-ils que cette date célèbre une violente grève, à Chicago, le 1er mai 1886 ?