Van Cleef & Arpels, a Jewel in the Crown of French Expertise

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Les créations de la maison française Van Cleef & Arpels ont habillé les dames les plus élégantes de ce monde : Florence Gould, Elizabeth Taylor, Grace Kelly, Jackie Kennedy, Blake Lively. Le savoir-faire de ses artisans joailliers — surnommés les “mains d’or” — sera visible dans le cadre de L’Ecole, une série d’ateliers pratiques, conférences et expositions qui se tiendra à New York jusqu’au 9 novembre.

En 1908, le célibataire le plus en vue de New York contactait une petite bijouterie parisienne pour une commande des plus particulières. L’Américain Eugene Higgins souhaitait qu’on réalise un modèle réduit de son yacht à vapeur, le Varuna, en pierres précieuses. Les joailliers Alfred Van Cleef et Charles Arpels, associés depuis deux ans au 22 place Vendôme, relevèrent le défi.

Le chef-d’œuvre fut livré sur un socle d’ébène. Le navire vogue sur une mer de jade: sa coque est en émail vert et blanc, ses mâts en or et des rubis représentent les hublots. Un bouton dissimulé dans la cheminée du bateau permet à l’homme d’affaires d’actionner une sonnette électrique et d’appeler son majordome. Le Varuna se brisera sur un récif au large de Madère un an plus tard, mais sa reproduction continue de voyager. Elle est exposée tantôt à Paris, à Pékin ou New York.

Un travail de longue haleine

Van Cleef & Arpels possède aujourd’hui 130 boutiques dont neuf aux Etats-Unis et fait partie depuis 1999 du groupe suisse Richemont, qui détient aussi la bijouterie française Cartier. Dans son atelier parisien, cependant, rien n’a changé depuis 1896, année de fondation de la SARL “Alfred Van Cleef & Salomon Arpels”. Les artisans répètent les mêmes gestes. La scie du lapidaire et la fraise du polisseur sont aujourd’hui électriques, mais l’essentiel du travail reste manuel. Les bijoux naissent d’un coup de crayon sur le papier. Le motif est ensuite reproduit à la gouache sur une feuille de papier gris — le ton mat permet de révéler l’éclat des métaux et des pierres précieuses. Ce patron grandeur nature, ou “gouaché”, fait le lien entre le créateur et le joaillier.

Une maquette d’étain et de strass permet d’estimer la quantité de pierres nécessaires et donc le prix du futur bijou. Cette étape supplémentaire entre le dessin et la fabrication est une spécificité de la maison. La monture du bijou — l’armature d’or ou de platine qui recevra les pierres — est ensuite obtenue à partir d’un moule en cire. Pendant ce temps, on sélectionne les pierres. Emeraudes, rubis et saphirs sont inspectés à la lumière du jour.

Pour les diamants, Van Cleef & Arpels se réfère aux “4 C” définis par l’Institut américain de gemmologie — couleur, pureté, taille, caratage — auxquels elle a ajouté un cinquième critère : le caractère, la « vivacité lumineuse » de la pierre, aussi surnommée “feu”. Pour reposer leurs yeux, les employés chargés de trier les gemmes s’interrompent toutes les heures.

Vient ensuite l’étape de la “mise en pierre”. Les sertisseurs disposent d’une dizaine de techniques pour fixer les pierres précieuses sur la monture du bijou. Sur une bague solitaire ou une bague de fiançailles, la pierre est généralement maintenue en place à l’aide de griffes métalliques. Pour cacher la monture, Van Cleef & Arpels a breveté en 1933 la technique du “serti mystérieux”. Chaque pierre, munie d’une rainure, est insérée via une “porte” sur un rail de moins de deux dixièmes de millimètres d’épaisseur. Les gemmes glissent en position comme les pièces d’un puzzle coulissant, la dernière pierre solidarisant l’ensemble. Ce procédé minutieux et chronophage n’est utilisé que sur quelques pièces chaque année. Il a notamment été employé pour sertir de rubis le fermoir du bracelet Ludo Hexagone (1935), la broche Pivoine (1937), le collier Trèfle Mystérieux (2012) ou encore la bague Coquillage Mystérieux (2015).

Les Etats-Unis, une nouvelle source d’inspiration

L’ensemble des bijoux sont réalisés en France. Les nouvelles collections sont dévoilées une fois l’an place Vendôme avant d’être présentées à l’étranger. Les clientes de Beverly Hills, de Dallas et de Las Vegas devront patienter jusqu’au mois de décembre pour découvrir la ligne de haute joaillerie “Quatre Contes de Grimm”, lancée à Paris cet été. Les contes de fées, les voyages, les arts et la nature font partie des thèmes de prédilection de Van Cleef & Arpels, qui vante la “vision poétique” de ses créateurs. La découverte du tombeau de Toutânkhamon en 1922 inspira une collection égyptienne et pendant la Deuxième Guerre mondiale, l’exil de la famille Arpels aux Etats-Unis donnera naissance à une série de broches inspirées des ballets de George Balanchine. Légères et raffinées, ces ballerines de diamants, d’émeraudes et de rubis fascinèrent les Américaines.

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Broche Princesse Héméra en diamants, saphirs bleus et mauves, émeraudes et grenats tsavorites, 2018. © Van Cleef & Arpels

Van Cleef & Arpels s’était installé à New York dès 1929, mais cette première tentative échoua. La boutique ouvrit ses portes le 27 octobre, deux jours avant le krach boursier et le début de la Grande Dépression. On abandonna l’affaire pour revenir dix ans plus tard. En 1939, la maison participa à l’Exposition universelle de New York et Claude Arpels décida de rester aux États-Unis. Il ouvrit une boutique en Floride en 1940, puis une autre sur la Cinquième Avenue en 1942. Au numéro 744, la bijouterie française fait toujours face à la boutique Tiffany !

Pendant l’Occupation, une petite production continua à Paris pendant qu’à New York, on recruta des artisans américains pour “adapter le savoir-faire du Vieux Continent à la demande du Nouveau Monde”. Cette dichotomie profitera à la bijouterie. “Le style Van Cleef & Arpels du XXe siècle est une rencontre culturelle entre l’excellence de la France et des États-Unis.”

Un savoir-faire français

La création de bijoux sera rapatriée à Paris dès la Libération. L’atelier de New York n’exécute plus que les réparations. Les Etats-Unis, où vit un tiers de sa clientèle, reste une importante source d’inspiration pour la maison. En 1954, la série “La Boutique” rendait hommage aux icônes de la pop culture américaine. Les broches Lion Ebouriffé et Epouvantail évoquent les héros du Magicien d’Oz. Avec sa queue de diamants et sa carotte de corail, le modèle Lapin rappelle Bugs Bunny !

Plus récemment, Van Cleef & Arpels a fait appel au metteur en scène américain Robert Wilson pour présenter sa ligne de haute joaillerie “L’Arche de Noé”. La collection a été exposée à Paris en septembre 2016 et à New York en novembre 2017. Dans les vitrines de verre conçues par l’artiste scintillaient près de quarante couples d’animaux sertis de pierres précieuses.

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Assemblage d’une paire de broches Perroquets à l’atelier Van Cleef & Arpels à Paris. © Van Cleef & Arpels

“Les racines de la haute joaillerie moderne se situent en France”, explique Inezita Gay-Eckel, professeure à L’Ecole des Arts Joailliers, un institut de formation non professionnel parrainé par Van Cleef & Arpels à Paris. En témoigne le vocabulaire des joailliers. La majorité des termes techniques sont prononcés à la française: loupe, fraise, lime feuille-de-sauge, chaton, griffe, sautoir, coupé brillant, mise à jour, serti pavé et micro-pavé. “Le délicat d’un serti, le raffinement de la découpe et du polissage d’une pierre, la poursuite de la perfection et de l’harmonie, jusqu’aux techniques elles-mêmes, l’ensemble du savoir-faire joaillier est un héritage français.”

Van Cleef & Arpels cite régulièrement sa propre histoire en rééditant d’anciens modèles. La collection «Bouton d’Or», lancée en 2016, décline le motif «Paillette» de 1936, lui-même inspiré des sequins des robes des Années Folles. La Minaudière, quant à elle, a connu plus d’une douzaine de rééditions depuis sa conception dans les années 1920 ! Le bijoutier Charles Arpels assistait à une réception à Paris lorsqu’il s’aperçut que l’élégante Florence Gould, la belle-fille du magnat américain des chemins de fer, rangeait ses cigarettes et son poudrier dans une simple boîte en fer blanc.

Il eut l’idée de créer une boîte à compartiments capable de contenir les accessoires d’une dame. En clin d’œil aux facéties de sa femme, dit-on, il surnomma sa création “Minaudière”. Un modèle de 1935 possède une finition d’or et de laque noire ; un modèle de 2006 surnommé Jardin d’Orient emprunte un motif orientaliste datant de 1925.

Une fermeture éclaire en diamants

Le collier Zip, vendu depuis 1950, est une autre de ces pièces atemporelles et sans cesse relookées. A la fin des années 1930, la Duchesse de Windsor demanda à Van Cleef & Arpels de lui réaliser un collier qui s’ouvrirait et se fermerait à la manière d’une fermeture à glissière. Le zip américain venait de faire son apparition dans les créations de la couturière Elsa Schiaparelli, mais il fallut près de quinze ans aux joailliers parisiens pour reproduire le complexe mécanisme à l’aide de pierres précieuses. Le collier peut être transformé en bracelet et selon le modèle, entre 400 et 1 200 heures de travail sont nécessaires pour assembler les éléments — c’est l’une des pièces les plus exigeantes du catalogue de la maison. Le collier Zip que portait l’actrice Margot Robbie à la cérémonie des Oscars en 2015 était orné de 150 diamants et 300 saphirs !

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Collier Zip Antique en diamants, émeraudes, saphirs et or jaune. © Van Cleef & Arpels

Le motif Alhambra, à l’inverse, brille par sa sobriété. Ses quatre arcs brisés forment le quatre-feuilles de l’architecture gothique — ou le trèfle, symbole de chance. Le motif, dont on fête le cinquantième anniversaire cette année, est apparu sous la forme d’un collier opéra (entre 70 et 90 centimètres de long) orné de vingt trèfles d’or jaune.

Il a depuis été décliné en une dizaine de combinaisons de pierres — or rose, onyx, cornaline, malachite, turquoise, nacre ou encore diamants — et autant de modèles : puces d’oreilles, boucles d’oreilles, bagues, montres et même boutons de manchettes ! Le sautoir reste le best-seller de la boutique new-yorkaise. Il ornait le décolleté du mannequin Karen Graham, immortalisée dans les pages de Vogue en 1973, et apparut au cou de Romy Schneider dans Le mouton enragé de Michel Deville l’année suivante. Le collier a depuis habillé Grace Kelly, Elizabeth Taylor, Reese Witherspoon, Sharon Stone, Mariah Carey et a récemment fait une apparition dans le film à gros budget Ocean’s 8.

“Les trèfles Alhambra se sont silencieusement faufilés au cou des femmes du monde entier, devenant un symbole emblématique de fortune et d’intégration au même titre que le sac Birkin”, écrivait une journaliste du New York Times en 2007. L’observation reste valable onze ans plus tard. “Comme la haute-couture et la gastronomie”, témoigne Inezita Gay-Eckel, “la joaillerie française demeure un signe international de raffinement !”


=> L’Ecole des Arts Joailliers organisera une série d’ateliers pratiques, conférences et expositions à New York du 25 octobre au 9 novembre.

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