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Californie : 1 200 nouveaux programmes bilingues d’ici 2030

Le Département de l’éducation de Californie a annoncé la création, dans les douze années à venir, de 1 200 programmes bilingues publics. Une mesure insuffisante selon certains observateurs.
Le siège du Département de l’éducation de Californie, à Sacramento. © Dreyfuss+Blackford

La Californie compte 40 millions d’habitants mais seulement sept écoles publiques bilingues français-anglais. L’Etat entend rattraper ce retard grâce au programme « Global California 2030 », en partie inspiré par l’Utah, qui a créé vingt programmes d’immersion français-anglais depuis 2007. La Californie souhaite que la moitié des élèves inscrits dans une école publique bénéficient d’un programme d’immersion en 2030 et qu’en 2040, les trois quarts maîtrisent au moins deux langues étrangères.

L’initiative californienne fait suite au vote en novembre 2016 de la Proposition 58, qui a mis fin à l’interdiction des langues autres que l’anglais dans l’enseignement public et a autorisé la création de classes d’immersion.

Le programme ne précise pas l’importance qui sera donnée à chaque langue. Le porte-parole du Département de l’éducation, Bill Ainsworth, explique toutefois que le choix de créer un programme bilingue dans une école sera laissé aux districts scolaires. Les 978 districts de l’Etat sont autonomes, mais « nous nous efforçons de les informer quant aux bénéfices d’une éducation bilingue et de les encourager ».

Dix bourses de 300 000 dollars

Dans ce but, le Congrès de la Californie est en train d’examiner une loi qui allouera, à partir du 1er septembre 2019, dix bourses de 300 000 dollars aux districts scolaires pour les inciter à créer un programme bilingue. Par ailleurs, précise Bill Ainsworth, des discussions sont en cours avec le consulat de France à San Francisco pour participer à la formation des enseignants californiens et faire venir des instituteurs français.

« On va dans la bonne direction, mais ce n’est pas encore assez », regrette Gabrielle Durana, la présidente de l’association Education Française Bay Area (EFBA), qui dispense des cours de français extra-scolaires dans la région de San Francisco. « Trois-cent-mille dollars, c’est trop peu. C’est une goutte d’eau dans l’ocean. » Le budget du district scolaire de San Francisco pour l’année à venir sera de près de 900 millions de dollars.

« Ce sera donc aux parents d’élèves de se mobiliser et de convaincre le school district dans lequel ils vivent, mais l’émiettement des districts complique la tâche », explique la Française. Santa Rosa par exemple, une ville de 175 000 habitants au nord de San Francisco, compte neuf districts scolaires indépendants. « Dans chaque district les parents devront plaider leur cause auprès des autorités et renouveler le processus pour créer une classe bilingue au collège puis au lycée. C’est une course d’obstacles. »

Certains districts scolaires sont plus volontaristes que d’autres. A Los Angeles, les autorités exigent que l’ensemble des élèves qui entrent en maternelle (kindergarten) cette année maîtrisent au moins une langue étrangère lorsqu’ils quitteront le lycée. Mais à San Francisco, le school district a « des priorités plus urgentes » que le bilinguisme, témoigne Gabrielle Durana. « Ils doivent d’abord s’occuper des élèves sans-abri. »

Répondre aux demandes des familles

Professeur de français au lycée Monta Vista de Cupertino et présidente de l’Association américaine des professeurs de français (AATF) pour la Californie du Nord, Sarah Finck s’inquiète. « L’Etat répondra-t-il aux demandes des familles ? » Dans son lycée au cœur de la Silicon Valley, la majorité des élèves parlent déjà une autre langue que l’anglais à la maison – principalement l’hindi et le mandarin. « Les familles sont déjà conscientes de l’importance des langues étrangères. Mais nous devrons faire énormément d’efforts pour convaincre [les décideurs politiques] que le français a sa place dans le programme. »

Selon les statistiques du Département de l’éducation de l’Etat, le français est la seconde langue la plus populaire auprès des élèves après l’espagnol. En 2017, 3 992 jeunes Californiens ont reçu le Seal of Biliteracy, un diplôme attestant de leur excellent niveau de français à la sortie du lycée. La même année, 36 158 élèves ont reçu cette distinction pour leur maîtrise de l’espagnol.

Gabrielle Durana déplore que le programme « Global California 2030 » ne soit pas « plus ambitieux » et « plus dirigiste ». Sans une intervention de l’Etat, explique-t-elle, les programmes bilingues seront essentiellement créés dans les quartiers aisés, où les parents ont le temps et les ressources de se mobiliser et de démarcher les pouvoirs locaux. « La Californie pourrait accomplir bien plus en faveur du bilinguisme avec une politique globale. C’est possible ; l’Utah l’a fait. »