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Coronavirus : l’industrie part en guerre !

L’industrie lourde et les petites mains sont arrivées en renfort pour accélérer la production de masques et de respirateurs dont a tant besoin le personnel soignant. En France comme aux Etats-Unis, une économie de guerre s’est mise en place pour lutter contre la pandémie de coronavirus.
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Production de gel désinfectant dans l’usine Christian Dior de Saint-Jean-de-Braye, à côté d’Orléans. @ LVMH

Sur les rives de l’East River en face de Manhattan, le Brooklyn Navy Yard a repris du service. Cet ancien chantier naval qui a employé jusqu’à 70 000 personnes pendant la Deuxième Guerre mondiale, désaffecté dans les années 1960 et transformé en parc industriel, œuvre de nouveau pour la défense nationale. Un producteur de mobilier promotionnel a converti son hall d’exposition pour assembler des visières de protection médicale. Dans un bâtiment voisin, une distillerie réputée pour son bourbon produit désormais du désinfectant.

Les initiatives de ce type se multiplient. En France, le géant du luxe LVMH a réorienté la chaîne de production des parfums Guerlain, Givenchy et Christian Dior pour fabriquer du gel hydroalcoolique. Tout comme les marques de cosmétiques Yves Rocher et L’Oréal, la parfumerie Hermès, l’alcoolier Pernod Ricard et le groupe Danone, qui a redirigé la production des bouteilles d’eau Evian pour livrer 100 000 flacons de liquide désinfectant.

Des masques Chanel

L’industrie du textile et de la mode prête main forte en fabriquant des masques. Le ministère français de la Santé estime le besoin à 25 millions par semaine pour les seuls soignants, bien au-dessus des 8 millions produits actuellement. Chanel a mobilisé 150 couturières de ses ateliers Haute couture, Prêt-à-porter et Maisons d’art pour réaliser des masques. Idem pour la maison lorraine Linvosges, réputée pour ses draps et son linge de maison, qui produit depuis la semaine dernière des masques en tissu lavables et réutilisables.

Spécialiste des textiles techniques pour le luxe et la mode, le groupe Chargeurs (qui possède aussi le magazine France-Amérique) produit lui aussi des masques dans ses usines en Picardie et en Alsace : des masques en tissu pour le personnel non sanitaire mais aussi des masques chirurgicaux de type FFP2. « Nous avons pris la décision d’acquérir des lignes de production qui seront opérationnelles d’ici quelques semaines pour produire chaque semaine 3,5 millions de masques supplémentaires », a expliqué le PDG du groupe, Michael Fribourg, interviewé par LCI.

La guerre contre le virus

« Nous sommes en guerre », a martelé Emmanuel Macron à plusieurs reprises. De fait, la mobilisation de l’industrie rappelle les « guerres totales » du XXe siècle, des conflits menés sur le front comme dans les usines de l’arrière. Plus de 15 000 entreprises françaises ont travaillé pour la défense pendant la Grande Guerre : les aciéries Schneider au Creusot, mais aussi les constructeurs automobiles Citroën, Peugeot et Renault, qui produisaient des obus, des canons et des chars.

Trente ans plus tard aux Etats-Unis, Franklin Roosevelt mettra sur pied une commission chargée de convertir l’économie américaine aux nécessités de la Deuxième Guerre mondiale. Des usines habituées à produire des radios, des réfrigérateurs, des voitures et des tracteurs sortent bientôt des fusils, des mitrailleuses, des bombes, des chars et des avions. C’est l’époque de Rosie the Riveter et de Detroit, « arsenal de la démocratie ».

La mobilisation de l’industrie américaine

Donald Trump n’a pas encore invoqué le Defense Production Act, un héritage de la Guerre froide qui lui aurait permis de réquisitionner l’industrie nationale, mais les entreprises n’ont pas attendu son signal pour passer à l’attaque. Tesla, General Motors, Ralph Lauren, Jack Daniel’s et les grands magasins Nordstrom et Nieman Marcus se sont engagés. Boeing utilise ses imprimantes 3D pour fabriquer des masques et dans le Michigan, les employés de Ford et de General Electric assembleront bientôt 7 200 respirateurs artificiels par semaine.

A une moindre échelle, les groupes de couturières amatrices s’étendent sur les réseaux sociaux pour coudre des masques en tissu. Ils ne sont pas acceptés par tous les hôpitaux, mais font la joie des auxiliaires de vie, des chauffeurs de bus, des caissières et des livreurs. Comme les chaussettes et les gants tricotés par les marraines de guerre et les bénévoles de 14-18 faisaient la joie des Poilus.

Une Française infirmière à l’hôpital de Houston a ainsi créé un groupe qui rassemble quelques 600 couturières via Facebook. « Maintenant que la ville a annoncé le lockdown interdisant les sorties non essentielles, nous nous adaptons pour regrouper les masques », explique Natalie Jones, originaire de Paris, une des administratrices du groupe. « Nous avons fait plus de 1 800 masques et avons commencé la distribution dans les centres médicaux, les centre d’oncologie et les maisons de retraite.