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L’immersion française s’exporte en Alaska !

Les deux premières classes bilingues français-anglais d’Alaska ouvriront en août prochain à O’Malley Elementary School, un établissement public d’Anchorage. L’Etat a beau être isolé, il attire une population internationale de plus en plus importante.
Anchorage, Alaska.

L’Alaska n’est pas étranger au bilinguisme. Au contraire : le premier programme bilingue de l’Etat fêtera cette année son trentième anniversaire ! Pendant la guerre froide, le Japon est un important allié commercial et stratégique de l’Alaska et une classe d’immersion japonais-anglais a ouvert ses portes à Anchorage, la plus grande ville de l’Etat, en 1989. Le modèle a essaimé et la ville compte aujourd’hui sept programmes bilingues dont deux en espagnol et un en yupik, une langue indigène.

Le programme français-anglais sera le huitième programme de ce type à voir le jour dans cette ville. Deux classes de grande section de maternelle ouvriront à la rentrée à O’Malley Elementary School, dans une banlieue résidentielle du sud de la ville. Une école en sous effectif, un temps menacée de fermeture. Une enquête a révélé que 250 élèves habitant dans la zone de l’école O’Malley étaient inscrits dans une autre école : dans la majorité des cas, les parents avaient préféré inscrire leurs enfants dans un établissement qui offre un programme bilingue en chinois ou en allemand.

Fédérer une communauté autour de l’école

« Les parents, qui sont très impliqués dans l’éducation de leurs enfants, recherchent des programmes qui se démarquent du cursus traditionnel », constate Brandon Locke, responsable des programmes bilingues au sein du district scolaire d’Anchorage. « Un programme bilingue permet d’attirer de nouvelles familles dans le quartier et de fédérer une communauté de parents autour de l’école », ajoute Anne Adasiak-Andrew, ex-professeure de français et présidente de l’association French Language Advocates Anchorage, qui milite pour la création d’une classe bilingue. « On peut dire que notre programme a sauvé l’école ! »

L’idée d’un programme bilingue anglais-français à Anchorage est née en 2006. Les parents étaient demandeurs – ils avaient même trouvé une maison d’édition américaine qui publie des manuels scolaires en français – mais les fonds manquaient. Deux bourses de 10 000 dollars, une de la fondation FACE et une autre de l’Alaska Community Foundation, ont permis de financer le programme, approuvé par les autorités scolaires d’Anchorage en novembre 2018.

Deux classes de 27 élèves

Un total de 122 élèves étaient candidats au programme : 54 feront leur rentrée à la fin du mois d’août, répartis en deux classes. La majorité d’entre eux ne parlent pas français à la maison. L’industrie pétrolière et minière, la pêche, le port de commerce, la base militaire et les centres d’expédition de FedEx et de UPS, parmi les plus importants du pays, attirent une importante population internationale à Anchorage. « J’ai été contactée par plusieurs familles franco-américaines, canadiennes, coréennes, mexicaines », témoigne Anne Adasiak-Andrew. « J’ai aussi reçu un mail d’un couple de Français qui travaille pour un groupe pétrolier en Corée du Sud et sera bientôt muté en Alaska ! »

Courtney et Namory Bagayoko, un couple de médecins, se sont installés en Alaska en août 2017. Elle a grandi en Californie, il est né en Louisiane d’un père malien. Leurs deux enfants sont inscrits dans une école maternelle bilingue anglais-espagnol, mais ils rejoindront le programme d’immersion anglais-français l’année prochaine, afin de pouvoir échanger avec leur grand-père francophone.

Pérenniser le programme

« Lorsque nous sommes arrivés, il existait un programme dans toutes les langues stratégiques, sauf le français », se souvient Courtney Bagayoko, qui a rejoint l’association de parents French Language Advocates Anchorage et a participé à l’organisation d’une dégustation de vin et de fromage pour récolter des fonds. « Deux classes ouvriront à la rentrée, mais nous devons poursuivre nos efforts pour pouvoir acheter le matériel pour les classes à venir. »

Le district scolaire d’Anchorage est maintenant à la recherche d’un assistant francophone et d’un professeur capable d’enseigner les sciences et les sciences sociales en français. Brandon Locke, le responsable des programmes bilingues, est en charge des entretiens. « C’est parfois difficile de convaincre les gens de s’installer en Alaska », explique-t-il. Les clichés perdurent. « Les gens imaginent qu’on vit dans des igloos et ils sont surpris d’apprendre que nous avons autant de programmes bilingues ! »