Objet culte : le canotier

Chapeau de paille tressée de forme ovale, à calotte et bords plats, orné d’un ruban sur la couronne, le canotier est, comme son nom l’indique, l’accessoire fétiche des adeptes du canotage au XIXe siècle. Coco Chanel prouvera qu’il n’est pas réservé aux hommes, Fred Astaire en fera son compagnon de scène et Leonardo DiCaprio l’imposera à l’écran dans l’adaptation hollywoodienne de Gatsby le Magnifique.

C’est le plus charmant des « bibis » ! Chic et décontracté, le canotier tient son nom de l’espagnol « canoa » signifiant « petit bateau ». Son port remonterait à l’apparition des premiers canots à voile sur la Seine au début du XIXe siècle. A cette époque, les canotiers parisiens, soucieux de ne pas naviguer habillés d’un simple costume de ville, s’inspirent de la tenue des matelots. Ils associent leur chapeau de paille au maillot de corps blanc ou à la marinière, au pantalon à pinces en lin et en coton, et le réhausssent d’un ruban de couleur.

Le roi de la guinguette

Réglementaire, le canotier gagne en popularité. Chapeau d’été par excellence, Auguste Renoir l’immortalise dans sa célèbre toile impressionniste, Le Déjeuner des canotiers (1880) : un hymne à la joie de vivre reflétant l’insouciance des dimanches chômés au bord de la Seine où canotiers et cocottes se prélassent dans les guinguettes au bord de l’eau. (On peut admirer le tableau conservé dans la Philipps Collection à Washington D.C.). Quant à Caillebotte, s’il avait peint son Canotier (1877) quelques années plus tard, nul doute qu’il ne se serait pas affublé d’un haut-de-forme !

Léger et confortable, le canotier est aussi apprécié des sportifs–il s’impose chez les cyclistes dans les années 1900, comme en témoignent les gravures d’époque où le chapeau est omniprésent. Masculin, il se porte légèrement penché sur le côté, de manière décontractée. Mais Gabrielle Chanel l’arbore fièrement dès les années 1920, en réaction aux couvre-chefs très garnis des femmes de l’époque.

Le roi du music-hall

C’est surtout au chanteur Maurice Chevalier–l’artiste le plus populaire du Music Hall français dans les années folles, devenu acteur reconnu dans les années 30 à Hollywood–, que l’on doit la démocratisation du chapeau de paille. Le canotier est à l’artiste ce que le bicorne fut à Napoléon. Il le porte penché sur l’avant, incliné « avec désinvolture » sur l’oreille et lui consacre son tube des années 60, aux côtés des Chaussettes noires, la chanson Le Twist du canotier :  » Avec mon canotier / Sur le côté, sur le côté / J´ai fait danser le twist / Au monde entier ».

Le modèle fétiche du chanteur fut rebaptisé « Chapeau Maurice Chevalier » après sa mort. Orné d’un ruban noir, il est fait de paille tressée et mesure 31 centimètres de diamètre. Il en existe de nombreuses répliques, comme celle, miniature, réalisée par le maître chapelier Sools, qui était offert en cadeau, dans les années 1930, aux clients du cabaret Le Perroquet à Paris. Mais les meilleurs ambassadeurs du canotier sont américains : Rita Hayworth, symbole du sex-appeal hollywoodien le glamorise dans les années 1940, et Gene Kelly l’impose au grand public dans la comédie musicale Singin’ in the Rain, sortie en 1952. Dernière apparition remarquée du canotier au cinéma ? Perché sur la tête de Leonardo DiCaprio dans Gatsby le Magnifique, en 2013.

Le retour des canotiers

Les amateurs de chapeaux auront remarqué ces dernières années le grand retour du canotier dans les collection printemps-été des plus grandes maisons. Retravaillé, anobli, assoupli, le canotier résiste au temps et gagne en noblesse. On l’aperçoit régulièrement chez Hermès, et l’actrice Chloë Sevigny le porte volontiers sur le tapis rouge. Attention toutefois avant de ressortir le canotier des malles du grenier. S’il est un allié de goût pour votre garden-party, on dit qu’il sied surtout aux visages carrés ou rectangulaires…

Article publié dans le numéro de juillet 2016 de France-Amérique.