Luxe

Le Grand Contrôle, un hôtel au château de Versailles

Dans l’enceinte du domaine pensé par Louis XIV, l’ancienne résidence du contrôleur général des Finances accueille un hôtel d’exception. Du dîner au brunch en passant par le spa, la piscine et la visite privée de la galerie des Glaces, les visiteurs y sont choyés dans l’esprit du siècle des Lumières.
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Jacques Necker, le ministre des Finances de Louis XVI, a donné son nom à une des suites de l’hôtel. © Le Grand Contrôle

« A boire pour le roi et la reine ! » Portant la livrée du contrôleur ordinaire de la Bouche du roi, le serveur frappe le sol de sa canne. Les bougies illuminent les verres en cristal. Où sommes-nous ? Au château de Versailles, un soir d’hiver 2023. Les fenêtres d’angle des salons Necker, qui accueillent le restaurant de l’hôtel, donnent sur l’immense pièce d’eau des Suisses : Louis XIV voulait que la reine puisse contempler depuis ses appartements le bassin où se reflètent les nuages. Les autres croisées ouvrent sur les jardins, l’Orangerie et les Cent Marches, le monumental escalier qui mène au palais. D’ailleurs, le dîner concocté par Alain Ducasse et servi chaque soir lui doit son nom : Festin royal des Cent Marches.

Inauguré en juin 2021, Le Grand Contrôle est bien plus qu’un hôtel. Le groupe français Airelles – qui possède aussi des cinq-étoiles à Saint-Tropez, à Courchevel, à Val d’Isère et dans le Luberon – a remporté en 2016, pour 50 ans, la concession de l’ancienne résidence du contrôleur général des Finances en invoquant fidélité, reconstitution et luxe. Après cinq ans de travaux sous la supervision d’une armée d’experts, conservateurs, historiens et architectes, l’adresse invite à une plongée raffinée dans le temps.

Le bâtiment voit le jour en 1681. Il est l’œuvre de Jules-Hardouin Mansart, le Premier architecte de Louis XIV, et destiné au duc de Beauvilliers, premier gentilhomme de la Chambre du roi et gendre de Colbert. Situé à l’extrémité de l’aile sud, il nous paraît modeste tant le reste du palais est opulent. C’est qu’à cette époque, Versailles n’est pas encore la vitrine que l’on connaît aujourd’hui, ni même le siège du gouvernement : l’installation officielle n’aura lieu que le 6 mai 1682. Au début du XVIIIe siècle, Louis XV intègre le bâtiment au domaine et y installe le contrôle général des Finances (qui donnera son nom à l’hôtel). Sous Louis XVI, le lieu accueille le ministère des Finances et voit défiler les puissants et les courtisans venus s’entretenir avec le ministre Jacques Necker. Le sort de la jeune république américaine, soutenue financièrement par le roi de France, se joue aussi dans le secret de ces murs. L’hôtel est d’ailleurs situé rue de l’Indépendance-Américaine !

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Les jardins de Versailles et l’Orangerie. © Le Grand Contrôle
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Le salon d’audience, avec ses banquettes de velours et ses fauteuils Louis XVI, permet de patienter avant le déjeuner. © Le Grand Contrôle
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Les pièces de travail de Jacques Necker accueillent désormais le restaurant de l’hôtel. © Le Grand Contrôle
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La salle de bains de la suite Necker donne sur les jardins de Versailles. © Le Grand Contrôle
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La piscine de l’hôtel, décorée de bustes anciens et de candélabres. © Le Grand Contrôle
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La terrasse du restaurant et en arrière-plan, les Cent Marches, le monumental escalier qui mène au palais. © Le Grand Contrôle

L’ancien ministère, qui accueillera après la Révolution un tribunal, un mess militaire puis une bibliothèque, a conservé son charme historique. Une fois traversée la cour plantée d’agrumes, le vestibule dallé de pierre conduit à un escalier au garde-corps de fer forgé. Aux murs, une enfilade de portraits : le Roi-Soleil, Louis XV, Louis XVI, ou encore Marie-Antoinette, peinte avec ses enfants par Elisabeth Vigée-Lebrun. Ce sont les seules copies parmi les quelque 900 meubles, objets et œuvres d’art qui décorent l’hôtel – des pièces d’époque achetées selon l’inventaire de 1788, le dernier en date. Guéridons, secrétaires et baromètres en bois peint habillent les salons et les couloirs. On les effleure du doigt, on s’extasie de leur grâce en rejoignant l’une des quatorze chambres. La « suite exclusive » Necker à plus de 10 000 euros la nuit, la plus majestueuse, séduit avec son plafond haut de quatre mètres, son parquet Versailles et sa baignoire avec vue sur les jardins. Quant au Grand Appartement, qui englobe trois suites sur 300 mètres carrés, il offre « une expérience rare » avec une vaste terrasse et une bibliothèque d’ouvrages anciens reliés de cuir !

Séjour de luxe et privilèges royaux

La décoration des chambres s’inspire du Petit Trianon, le refuge champêtre de Marie-Antoinette. Rayures et motifs floraux ornent rideaux, paravents, méridiennes et coffrets. Les couleurs choisies par l’architecte d’intérieur Christophe Tollemer sont tendres : bleu Pluton, rose thé, vert tilleul… L’esprit du temps est soigneusement restitué et l’on imagine parfois que la reine vient de passer, laissant flotter dans les corridors un sillage d’ambre et de fleurs. Autour de la piscine, on admire des bustes antiques et un sol à damier en marbre de Carrare, directement inspiré de la cour du palais, et la salle de sports joue les salles d’armes avec ses miroirs et son fond de musique classique. Mais on peut préférer courir entre les topiaires, dans les allées du parc. Les clients du Grand Contrôle jouissent de privilèges royaux : majordome qui fait office de guide et de « confident », accès privé au domaine du Trianon, à la galerie des Glaces et aux grands appartements du roi et de la reine… Une barque est aussi mise à leur disposition sur le Grand Canal.

Le salon d’audience permet de patienter avant le déjeuner. Autrefois, Suzanne Necker recevait Diderot et Rousseau dans cette même pièce. Sa fille, la brillante Madame de Staël, intellectuelle et féministe, conversera plus tard avec l’élite du siècle des Lumières. Confortablement assis dans une banquette en velours rouge, une pièce unique créée par Hubert de Givenchy, on admire les portraits de Suzanne et Jacques Necker et les moulures dorées qui ornent les murs. Des fauteuils Louis XVI aux pieds cannelés sont disposés autour de tables de whist, jeu populaire à la cour au XVIIIe siècle. Une dame en perruque entre dans le salon, son ample robe gonflée par des paniers. Une figurante ? Non, une cliente : l’hôtel met à disposition des costumes d’époque et emploie une perruquière professionnelle. Après une coupe de champagne, un valet portant redingote, bas et culotte accompagne les clients vers la salle à manger, installée dans un des deux cabinets de Necker. Puisque Louis XIV commençait tous ses repas avec un œuf, le voici, nappé de caviar.

La lumière tremblotante des chandeliers éclaire la pièce. L’hôtel a fait le choix des bougies électriques plus vraies que nature de Régis Mathieu – celles-là mêmes qui éclairent la galerie des Glaces. Le génie français de la lustrerie en a équipé les 500 appliques, lustres, lanternes, girandoles et lampes-bouillottes qui donnent au Grand Contrôle sa clarté si particulière. « Les miroirs de la galerie des Glaces reflètent les bougies, à l’époque symbole de pouvoir », explique-t-il. « La lumière, voilà ce qui a le plus changé entre le XVIIIe siècle et aujourd’hui. Retrouver celle du siècle des Lumières, ses nuances et ses ombres, relève du tour de force, mais c’est cela qui transporte les clients dans un autre espace-temps. Au Grand Contrôle, le voyage ne s’accomplit pas à Versailles, mais dans le temps… »


Article publié dans le numéro de mars 2023 de France-Amérique. S’abonner au magazine.