Francophonie

La Louisiane candidate à l’Organisation internationale de la Francophonie

La Louisiane a remis sa candidature à l’organisation des pays de langue française le 5 avril dernier. La décision de l’OIF sera annoncée lors du sommet de la Francophonie qui se tiendra à Yerevan, en Arménie, les 11 et 12 octobre prochains.
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L’Etat de la Louisiane, qui compte près de 250 000 francophones et 5 000 élèves inscrits dans un programme d’immersion bilingue anglais-français, bénéficie depuis 2006 du statut d’invité spécial de la Francophonie. Ce titre temporaire donne à l’Etat américain le droit de participer au sommet de l’OIF, la « conférence des chefs d’Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage » qui a lieu tous les deux ans. Il ne lui permet pas, en revanche, de prendre part aux débats, de voter les résolutions et de participer aux deux autres instances de l’OIF : la Conférence ministérielle et le Conseil permanent de la Francophonie.

Un Louisianais de vingt-six ans compte changer cette situation. Scott Tilton, né dans une famille francophone de La Nouvelle-Orléans et diplômé de Science Po à Paris, milite depuis deux ans pour que son Etat natal devienne membre de l’OIF. « Il me semble essentiel que la Louisiane, en tant qu’espace linguistique et culturel francophone et créolophone, puisse jouer un rôle formel dans le cadre de l’OIF », affirme-t-il. L’organisation, fondée en 1970, regroupe 84 Etats et gouvernements, dont la France, la Belgique, le Vietnam et la Côte d’Ivoire, mais aussi le Canada et les provinces de Québec (membre de plein-droit depuis 1971), du Nouveau-Brunswick (depuis 1977) et de l’Ontario (membre observateur depuis 2016). Un statut permanent de membre observateur, ajoute Scott Tilton, accorderait « une reconnaissance officielle aux communautés francophones de la Louisiane ».

Les démarches à suivre

Le jeune Américain, employé à Paris comme analyste dans le domaine de la défense et de l’aérospatial, s’est improvisé diplomate. En Louisiane, il a reçu le support du sénateur francophile Eric Lafleur et de Charles Larroque, alors directeur exécutif du Conseil du développement du français en Louisiane (CODOFIL). Le 8 mars 2017, il rencontrait le conseiller spécial de la secrétaire générale de la Francophonie, Jacques Bilodeau, qui lui indiquait les démarches à suivre.

Pour être recevable, la candidature de la Louisiane doit être accompagnée d’un courrier du gouverneur de l’Etat et d’une lettre du Département d’Etat américain. Le 7 janvier 2018, Scott Tilton transmettait une copie de ces courriers au cabinet de la secrétaire générale de la Francophonie à Paris et recevait, trois semaines plus tard, les encouragements de l’OIF.

Justifier du dynamisme du français en Louisiane

La date limite de dépôt des candidatures est fixée au 10 avril 2018. Le CODOFIL, l’agence officielle des affaires francophones de la Louisiane, est chargé en février de rédiger le dossier de présentation. L’Etat doit faire preuve « d’une situation satisfaisante de l’usage du français » dans neufs « espaces » distincts : linguistique, pédagogique, culturel, communication, économique, politique et juridique, associatif ou encore international. Peggy Feehan, la directrice exécutive du CODOFIL, forme un comité de rédaction. Les onze membres – trois anciens directeurs du CODOFIL, quelques professeurs de français, une employée du Département de l’Education de la Louisiane et un stagiaire québécois – prennent pour exemple le rapport de l’Ontario, soumis en 2016, et se mettent au travail.

Le 5 avril dernier, Peggy Feehan et Scott Tilton ont remis un volume de soixante-dix pages à l’ambassade de Madagascar à Paris. La tradition veut en effet que chaque candidature soit adressée au chef du gouvernement du dernier pays ayant accueilli le sommet de la Francophonie. Une copie de la candidature a été adressée à la secrétaire générale de l’OIF et remise le 6 avril au siège de l’organisation, dans le 7e arrondissement de Paris.

Un vote en octobre

L’OIF annoncera sa décision en octobre prochain, lors du sommet de la Francophonie. Selon les statuts de l’organisation, « c’est le Sommet, sur la base des recommandations de la Conférence ministérielle, délibérant à huis clos, qui décide d’accueillir ou non le nouveau requérant ». La décision des 54 Etats et gouvernements membres de plein-droit, précise le document, « doit être prise à l’unanimité ».

La cotisation annuelle à l’OIF, pour un membre observateur, s’élève à près de 10 000 dollars. « Mais les bénéfices que retirera la Louisiane en termes de retombées économiques sont considérables », explique Scott Tilton. L’Agence Universitaire de la Francophonie, qui dispose d’un budget annuel de quarante millions d’euros, favorise notamment les échanges entre les universités des pays membres.

Les actions de coopération multilatérale permettent également de renforcer les liens commerciaux entre les Etats. « Ce statut d’observateur officialisera la présence de la Louisiane dans l’espace économique francophone », se réjouit Peggy Feehan. « C’est un argument convaincant pour attirer les investisseurs : venez faire des affaires en Louisiane, notre Etat a un accès privilégié à plus de 80 pays. »

L’appui politique de la « délégation francophone »

Si l’OIF accepte la candidature de la Louisiane, il appartiendra ensuite à la législature locale d’approuver la dépense. L’Etat américain pourra compter sur sa « délégation francophone » : un puissant groupe de députés et sénateurs francophiles menés par Eric Lafleur, le président du chapitre local de l’association des parlementaires francophones.

Les retours de l’OIF semblent encourageants. Le directeur de cabinet de la secrétaire générale, Jean-Louis Atangana Amougou, a félicité par courrier l’initiative de la Louisiane. La directrice exécutive du CODOFIL est tout aussi confiante. « Si la Corée du Sud et l’Argentine sont devenues membres observateurs en 2016, la Louisiane a de bonnes chances de l’être également ! »