Entretien

Luc Hardy, l’explorateur français confiné dans le Connecticut

Breton, entrepreneur, environnementaliste, documentariste et photographe, le Français Luc Hardy a parcouru 200 kilomètres à pied pour atteindre le pôle Nord, gravi le plus haut sommet du continent antarctique et exploré à bord d’un bathyscaphe les fonds marins au large de l’île Klein Curaçao dans les Caraïbes. Confiné chez lui, à Greenwich dans le Connecticut, il revient sur cette expérience hors du commun.
[button_code]
Au pôle Nord en 2011. © Courtesy of Luc Hardy

France-Amérique : Comment la pandémie de Covid-19 a-t-elle affecté votre activité ?

Luc Hardy : Ça faisait quinze ans que je n’avais pas passé plus de deux semaines consécutives chez moi ! Je devais partir en expédition en mars avec un scientifique de la Smithsonian Institution de Washington D.C., un plongeur spécialiste du corail, pour préparer un documentaire sur le Panama. Ce pays pas plus grand grand que l’Irlande possède davantage de biodiversité que l’ensemble des Etats-Unis. Je devais ensuite naviguer entre Trinité-et-Tobago et la Guyane pour enquêter sur les sargasses, ces algues brunes toxiques qui envahissent les plages des Caraïbes, du Golfe du Mexique et d’Afrique – c’est un vrai problème de santé publique. Ce projet devra être reporté à juillet, mais mon voyage au Groenland aura lieu en août comme prévu : avec l’explorateur américain Justin Fornal, je prépare une traversée à la nage entre le village de Qaanaaq et le Nunavut au Canada pour sensibiliser le public à la fonte des glaces.

Au cours de vos nombreux voyages, vous êtes-vous déjà retrouvé longtemps confiné ?

En 2014, je suis resté pendant six semaines dans ma cabine à bord d’un voilier dans l’Antarctique, mais c’était volontaire ! Cent ans après les faits, je recréais le périple de l’explorateur britannique Ernest Shackleton [voir la bande annonce ci-dessous], prisonnier des glaces pendant sa tentative de traversée du pôle Sud. Et en 2003, de retour du Mont Vinson, le point culminant de l’Antarctique, l’avion qui devait venir nous chercher a été retenu par le mauvais temps. On a passé neuf jours dans une tente au milieu de nulle part…

Comment occupez-vous vos journées en attendant que le confinement soit levé ?

Je coproduis un documentaire sur une tribu paraguayenne confrontée à la déforestation, La Mémoire de la forêt, qui devrait être présenté au festival de Toronto ou de Venise en septembre. J’ai aussi des rendez-vous sur Skype tous les jours avec des scientifiques, des sociétés de production vidéo et mes amis aventuriers pour préparer de nouveaux projets, notamment une enquête sur le clonage des chevaux de polo en Argentine. Et je prends le temps de lire. J’ai fini le dernier livre de l’écrivain voyageur Sylvain Tesson, La Panthère des neiges. J’ai aussi lu La Carrière d’un navigateur du prince Albert Ier de Monaco – la langue est d’une richesse, à l’image des autres récits d’explorateurs du début du XXe siècle – et Algues vertes, l’histoire interdite, une B.D. d’investigation sur ces algues qui polluent le littoral breton.

Quel conseil donneriez-vous à nos lecteurs pour surmonter cette période difficile ?

Méditez. Dix ou vingt minutes par jour suffisent, pas besoin d’en faire pendant des heures. Téléchargez une application comme Waking Up sur votre téléphone et commencez dès maintenant. Ça m’a aidé à encaisser des situations bien plus difficiles que passer trois mois chez moi dans le Connecticut !