C’est le plus grand spectacle gratuit au monde, apprécié chaque année par plusieurs millions de visiteurs. A La Nouvelle-Orléans, les festivités commencent dès 8h, le matin de Mardi Gras. Chaque société de carnaval (ou krewe) organise sa propre parade. Onze défileront le 25 février dans différents quartiers de la ville : Rex, l’un des krewes les plus anciens de La Nouvelle-Orléans, fondé en 1872, et Zulu, ainsi nommé en hommage aux guerriers africains, dans le quartier de Uptown ; Argus, Elks Jefferson et Jefferson dans le quartier de Metairie.
A chaque groupe son thème, mais deux éléments restent invariables : les masques, une constante depuis 1837, ornés de plumes et de perles à la mode de Venise, et les throws, ces bibelots, petits jouets, fausses pièces de monnaie et autres colliers de perles colorées (beads), jetés depuis les chars (floats) dans la foule. Massés sur le chemin de la parade, les spectateurs tendent les mains et crient « Throw me something, mister !«
Interviewé par France-Amérique en 2012, Ray Escoffier, descendant d’une famille originaire de Lyon et habitant de Gretna, petite ville dans la banlieue proche de La Nouvelle-Orléans, se souvient : « Tous les ans, la famille de ma mère qui habitait Belle Rose [une petite ville entre La Nouvelle-Orléans et Baton Rouge] nous rejoignait pour assister aux défilés de chars. Nous faisions un grand pique-nique avant d’aller sur Canal Street dans le quartier français de la ville et notre but, nous les petits, était d’attraper au vol le plus de colliers possible. »
« Les throws sont la monnaie du carnaval », résumait en 2011 Lissa Capo, historienne à l’Université de La Nouvelle-Orléans. « Et le carnaval est en grande partie la monnaie de la ville. » Les festivités ont attiré 10,45 millions de visiteurs à La Nouvelle-Orléans en 2016, soit un apport de 7,41 milliards de dollars pour la ville. Après Mardi Gras, on rentre chez soi avec une brassée de colliers comme souvenir. Et des mois après le passage des dernières parades, on trouve encore des perles dans les branches des chênes qui bordent les artères de la ville.
Au sud de la Louisiane, le Mardi Gras cadien
L’atmosphère est différente à l’extérieur de La Nouvelle-Orléans. Ni perles ni colliers à Lafayette, Breaux Bridge, Mamou, Opelousas, Eunice ou Houma, au cœur du pays cadien francophone, où les pratiques héritées du carnaval moyenâgeux sont encore bien vivantes. Le jour de Mardi Gras, à l’aube, commence le « courir de Mardi Gras ». Traditionnellement, des cavaliers masqués allaient de maison en maison, de ferme en ferme, pour quémander les ingrédients nécessaires à la préparation du gumbo, un ragoût typique de la région.
La tradition est restée. On court après un poulet pendant que l’orchestre de zydeco joue La danse du Mardi Gras : « Les Mardi Gras s’en vient de tout partout, Tout le tour autour du moyeu, Ça passe un fois par an, Demander la charité, Quand même si c’est une patate, Une patate et des gratons. » Un héritage méconnu qui a fait une apparition dans les séries américaines Treme et True Detective ainsi que dans l’un des derniers épisodes de l’émission du chef Anthony Bourdain, Parts Unknown.
Le Mardi Gras rural [américain] provient de la manière dont Mardi Gras était célébré en France dans les campagnes par opposition au carnaval urbain », explique Barry Jean Ancelet, historien et folkloriste à l’Université de la Louisiane à Lafayette. « C’est le renouveau, le début du printemps et avant tout une manière pour les communautés de se retrouver et de faire la fête. »