« Ma vie de Courgette », conte d’une enfance peu ordinaire

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Acclamé au festival de Cannes, nominé aux Golden Globes, puis aux Césars et aux Oscars, Ma vie de Courgette prouve que l’animation à la française n’a rien à envier aux superproductions hollywoodiennes en 3D. Réalisé par le Suisse Claude Barras et scénarisé par la Française Céline Sciamma à l’aide de l’une des plus vieilles techniques de l’histoire du cinéma — l’animation en volume (ou stop-motion, en anglais) — cette belle histoire d’un enfant orphelin est à découvrir en salles ce vendredi aux Etats-Unis.

L’enfance difficile a toujours inspiré la littérature et le cinéma, des contes de Charles Perrault aux films autobiographiques de François Truffaut (Les quatre cents coups), en passant par Disney et Tim Burton. Ma vie de Courgette s’inscrit dans cette filiation. Le petit Courgette en question, Icare de son vrai nom, vit seul avec sa mère alcoolique aux milieu des canettes de bières vides. Un soir qu’elle s’emporte contre son fils, il provoque sans le vouloir sa chute fatale dans l’escalier. Placé dans un foyer, Icare réapprend à vivre au milieu d’autres d’enfants abîmés comme lui par la vie.

Cette adaptation libre du roman Autobiographie d’une courgette du Français Gilles Paris aborde sans mièvrerie la rennaissance de l’enfant après une tragédie familiale. Les gamins du refuge aux yeux disproportionnés (victimes de pédophilie, fils de parents sans papiers renvoyés dans leur pays, de criminels ou de drogués) ont des airs de petits morts vivants à la Tim Burton, façon Miss Peregrine et les Enfants particuliers. Si le roman s’adresse plutôt aux parents, Claude Barras a souhaité toucher le public enfantin. Offrant plusieurs niveaux de lecture, le film est accessible à tous.

Dans cette optique, la noirceur du propos est systématiquement contrebalancée par l’humour. La gouaille des enfants rappelle celle du personnage de bande dessinée “Titeuf” du dessinateur suisse Philippe Chappuis. L’un des enfants explique très sérieusement à ses camarades que son père aime les gallinnacés. La preuve, “il est parti avec sa poule” disait toujours sa mère. Les relations sexuelles sont simples comme bonjour à les entendre. “La fille dit oui, oui, oui”, puis le “zizi explose”. Pas méchant mais certains parents bien pensants préfèreront peut-être passer leur tour.

Entièrement réalisé selon les techniques de l’animation en volume – une méthode consistant à confectioner les décors, les marionnettes en pâte à modeler et leurs costumes puis à tourner image par image les objets déplacés millimètre après millimètre, au rythme de moins de 3 secondes de film par jour – relève de l’exploit. Cette même technique a fait le succès de Jason et les Argonautes en son temps, mais aussi de Wallace et Gromit, et surtout des films de l’Américain Henry Selick, à qui l’on doit la réalisation de Coraline, James et la pêche géante et de L’Etrange Noël de monsieur Jack (scénarisé par Tim Burton).

Les 66 minutes de film ont nécessité deux ans de tournage et plus d’une centaine de techniciens et d’artisans. Le graphisme est particulièrement léché, le cadrage soigné et les plans séquences sont légion. La scénariste Céline Sciamma (Tomboy, Bande de filles) n’a pu s’empêcher d’ajouter une bande son à son image : sensible et délicieusement rock. Dans une scène joyeuse, elle fait danser les enfants et leurs éducateurs sur la musique new wave “Eisbar” de Grauzone (groupe génial du chanteur Stéphane Eicher) et l’un des caïds se console en écoutant le “Salut à toi” de la formation punk Bérurier Noir. La génération Y se reconnaîtra. Le générique de fin se déroule sur la reprise édulcorée de la chanson “Le vent nous portera” de Noir Désir, par Sophie Hunger.

Très bien accueilli lors de sa présentation à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes 2016, Ma vie de Courgette a été couronné deux fois au Festival du film d’animation d’Annecy, à la fois par le jury et par le public. A juste titre. Si le film s’est fait ravir le prix du meilleur film d’animation par Zootopie (franchise Disney) aux Golden Globes, il sera en compétition pour les Oscars le 26 février prochain à Los Angeles. Bonne chance Courgette !

Le film sortira en salles à New York et à Los Angles le vendredi 24 février, puis dans l’ensemble du pays. Cinémas et dates de projection sont disponibles sur le site web du film.