Son succès ne lui monte pas à la tête. Assise dans le hall d’un grand hôtel new-yorkais, la chanteuse retrace son parcours avec beaucoup de simplicité. Fille de musicien, Yelle, de son vrai nom Julie Budet, a toujours eu un intérêt particulier pour la musique : « J’ai fait du piano, joué dans des groupes », raconte-t-elle. C’est cependant avec son compagnon, DJ Grand Marnier, qu’elle entame sérieusement sa carrière de chanteuse. « En 2005, nous avons décidé de travailler ensemble. Grand Marnier avait envie d’une voix féminine pour ses musiques. J’ai cette fois- là décidé de m’atteler sérieusement à ce projet. »
Langage cru, ton provocant, « Je veux te voir » est le premier-né de cette collaboration. Cette chanson, qui devient rapidement un tube, réagit avec humour aux paroles sexistes, vulgaires et salaces du rappeur Cuizinier, membre du groupe TTC. Celui qui se targue de pouvoir rendre « moites » les « chattes des putes » est confronté avec Yelle à une piquante répartie. Cette démarche vient assez naturellement à l’esprit de la chanteuse et de Grand Marnier. « Comme nous écoutons TTC, nous avons eu envie de lui donner une réplique », explique-t-elle. « Avant qu’on ne mette le morceau en ligne, nous avons envoyé une cassette à Cuizinier, pour avoir son avis. TTC a trouvé la musique sympa. Cependant, lorsque notre chanson a commencé à avoir du succès, ils ont été vexés et un peu aigris. »
La note irrévérencieuse de la chanson plaît. Au ton désobligeant employé par Cuizinier, Yelle ajoute une touche de fantaisie. D’après l’artiste, « il est toujours plus facile d’aborder des thèmes sérieux ou intimes, comme la sexualité ou l’amour, avec humour. L’autodérision rend la chose plus facile. » Si « ‘Je veux te voir’ n’est pas la chanson la plus représentative de l’album », toutes les pistes qui s’y trouvent exploitent ce principe.
Derrière une apparence sensuelle, un air d'enfance
Avec une voix douce presqu’enfantine, la chanteuse balance ses phrases crues. Sous sa frange et sa coupe au carré, Yelle justifie ce qu’elle-même qualifie de syndrome Peter Pan. « Je suis une grande enfant, j’ai envie de garder cette naïveté », explique-t-elle. « Sinon avec tout ce qu’il se passe dans le monde, on serait blasé. » Selon la chanteuse, même si les textes de ses chansons ne sont pas écrits pour des enfants, ils peuvent être tout aussi parlants pour eux.
Avec ses sons électro-pop et la reprise du tube « A cause des garçons » du duo belge du même nom, son disque semble faire écho aux arrangements disco des années 1980. « Avec Grand Marnier, nos influences sont très variées », dit Yelle. « Mais il est vrai que c’est une époque où les artistes, comme les Rita Mitsouko, se donnaient beaucoup de liberté au niveau du son et nous aimons ça. »
Un succès inattendu
N’oubliant jamais de mentionner son compagnon, Yelle tient à souligner la collaboration artistique qui existe entre eux. « Nous écrivons les textes ensemble. Nous travaillons en question-réponse, ce qui facilite le travail, car nous sommes complémentaires . »
Lorsque le titre « Je veux te voir » est achevé en 2005, Yelle ne songe pas à contacter les maisons de disques. Elle met en ligne le futur tube sur MySpace. « Grand Marnier avait déjà créé une page internet sur le site, c’est lui qui a eu l’idée », se souvient-elle. « Nous l’avons utilisé comme un lecteur de musique. » Une bonne initiative, puisque deux jours plus tard, 2000 personnes avaient déjà écouté la chanson. Une « surprise » pour Yelle : « En 2005, MySpace n’était pas encore connu en France et on ne croyait pas que ça allait si bien marcher. »
Une renommée internationale
Une semaine après la mise en ligne de la chanson, un directeur artistique contacte Yelle, qui croit d’abord « à une blague ». Depuis la sortie de son album Pop Up en avril 2007, les tournées s’enchaînent. Après ces dernières semaines en Amérique du Nord, où elle s’est produite au festival Coachella en Californie, à Montréal, puis à New York, elle est à présent repartie en France. Yelle est en effet programmée sur de nombreux festivals d’été, comme les Vieilles Charrues en Bretagne, les Solidays à Paris ou encore Benicàssim en Espagne. La jeune femme se plaît vraiment dans ses nouveaux habits de star de la chanson. « Lorsque je ne tourne pas pendant 15 jours, ça me manque », déclare-t-elle.
Phénomène plus inhabituel pour une artiste qui chante en français, Yelle, célèbre en France, est aussi connue et très appréciée hors des frontières de l’Hexagone. « Ce qui est étrange, c’est que mon public diffère selon les pays. En Scandinavie, en Espagne ou aux Etats-Unis, je fais partie de la musique underground, alternative. » Cependant, la chanteuse déplore qu’ « en France, une fois qu’un artiste apparaît régulièrement sur les plateaux télévisés, il est mis dans une case dont il ne peut sortir ».
Yelle a en effet collaboré avec le comédien-chanteur Michaël Youn, du groupe Fatal Bazooka. Après le succès sur le web de « Parle à ma main », où elle chante au côté de l’ex-star du Morning Live, un clip et un album sont commercialisés, ce qui n’était pas prévu au départ. « J’assume complètement cette médiatisation », lance la chanteuse. « Je suis très contente de cette collaboration. Mickael Youn est un vrai passionné, il est maniaque et fait les choses bien. »
« Je veux te voir » ... une deuxième fois
Entre deux concerts, Yelle songe à réaliser un second album. « Avec toutes les tournées, nous n’avons pas eu le temps d’y travailler pour le moment, mais ça me démange », révèle-t-elle. « Nous avons plein d’idées en tête et allons certainement travailler sur ce projet au mois de septembre, avant de repartir en tournée aux Etats-Unis en octobre. » Cette fois, Yelle a le désir de concevoir un album « plus engagé, avec un discours plus fort », qui se ferait l’écho de combats divers et variés. Ainsi derrière l’image d’icône sexy en leggings jaunes fluo se trouve un être plus responsable, à qui plaît « l’idée d’utiliser la musique comme moyen de communiquer des idées ».
Yelle sera l’invitée de l’émission Acoustic, diffusée sur TV5MONDE dimanche 18 mai à 6:30 pm EST (3:30 pm PST).