Actualités

Les enjeux de l’interdiction du foie gras en Californie

Depuis le 7 janvier, la production et la vente de foie gras est de nouveau illégale en Californie. Comment cette interdiction sera-t-elle appliquée ? Quelles seront les conséquences pour le marché ? Eclairage avec les acteurs de la filière et leurs opposants.

Tara Gallegos, porte-parole du bureau du procureur de Californie, responsable de l’application de la loi : « La loi, inscrite au chapitre 13.4 du Code de santé et de sécurité de l’Etat de Californie, interdit la production et la vente de tout produit alimentaire qui résulte du gavage d’un oiseau comme l’oie ou le canard. Les officiers de police et les officiers de protection des animaux assermentés par l’Etat ont le droit de verbaliser les contrevenants : ceux-ci encourent une amende de 1 000 dollars par infraction, et de 1 000 dollars par jour dans le cas où l’infraction se poursuivrait. »

Kelsey Eberly, avocate auprès du Fonds juridique pour la défense des animaux (ADLF), qui milite pour l’interdiction du foie gras : « Nous saluons cette mesure historique prise par la Californie pour interdire un produit aussi cruel. Nous allons faire en sorte que la loi soit appliquée et que les restaurants la respectent. Nous encourageons les clients à nous alerter si un restaurant sert du foie gras illégalement et nous poursuivrons chaque restaurateur qui s’obstine à en servir. Nous avons repris notre procès contre le restaurant La Toque, dans la vallée de Napa, commencé en mars 2013. [Pour contourner l’interdiction, le chef Ken Frank offrait une tranche de foie gras et un verre de sauternes avec chaque menu dégustation.] La Cour d’appel de Californie s’est prononcée en notre faveur : elle a statué qu’offrir du foie gras dans le cadre d’un menu dégustation onéreux revenait à le vendre. La cour de justice a mis le procès en suspens en 2016 lorsque l’interdiction du foie gras a été interrompue. Il n’y a plus aucune raison de retarder le procès maintenant que le foie gras est de nouveau illégal. »

Benoît Cuchet, directeur de la maison française Rougié en Amérique du Nord, qui produit du foie gras dans la région de Montréal à destination du marché canadien, américain et mexicain : « La Californie représente 20 % de nos ventes aux Etats-Unis et 10 % de nos ventes en Amérique du Nord. C’est un marché important – l’équivalent de 50 tonnes de foie gras tous producteurs confondus – qui est amené à disparaître. Nous allons devoir réduire notre potentiel de production et probablement nous séparer d’un ou deux de nos six producteurs artisanaux, soit près de 25 salariés. Lors de la première interdiction du foie gras en Californie [entre le 1er juillet 2012 et le 7 janvier 2015], les ventes de nos distributeurs de Las Vegas ont augmenté, mais c’est sans commune mesure par rapport à notre manque à gagner. La hausse des ventes dans les Etats voisins comme l’Arizona, le Nevada ou l’Oregon ne compense pas la fermeture du marché californien. Notre avocat, Michael Tenenbaum, est retourné voir le juge de première instance pour obtenir une injonction et suspendre temporairement l’application de la loi. »

Michael Tenenbaum, avocat de l’Association des éleveurs de canards et d’oies du Québec et du producteur new-yorkais Hudson Valley Foie Gras : « La décision de la Cour suprême a seulement eu pour effet de renvoyer le dossier devant la cour de première instance, où il sera porté devant le tribunal pour examiner nos divers recours constitutionnels. Moi et mes clients restons convaincus que nous vaincrons à nouveau. »