La source française du Trumpisme

Steve Bannon est le conseiller le plus écouté de Donald Trump — son Raspoutine, disent certains. Il serait l’idéologue du régime, ce qui effraie ses adversaires. Ancien financier et entrepreneur de presse, Bannon n’est pas a priori un intellectuel reconnu. D’où puise-t- il sa vision de l’Occident, qu’il considère comme décadent et compte engager dans un conflit manichéen avec le monde non chrétien ?

A la suite d’une rencontre avec un diplomate français à Washington, Bannon a révélé que son maître à penser était Charles Maurras. Philosophe réactionnaire des années 1930 et penseur du parti d’extrême-droite Action Française, Maurras inspira toute une génération d’intellectuels nationalistes et rassembla la jeunesse monarchiste autour du Maréchal Pétain dans le régime de Vichy. Bannon a cité au diplomate une célèbre maxime de Maurras distinguant « le pays légal » (la république démocratique et ses élus) du pays « réel » (le peuple cher à Trump et à Marine Le Pen). Selon Bannon, Trump représenterait le pays réel, charnel, organique, contre le pays légal, abstrait et lointain. Cette distinction chère aux populistes de droite et aux communistes est en réalité absurde, puisqu’en démocratie chacun a une voix, qu’il soit réel ou légal. Mais cela explique l’obsession du recomptage des voix chez Trump, de manière à montrer que ses électeurs constituent une majorité à la fois légale et réelle.

Bannon, comme Maurras, est catholique et comme Maurras en son temps, ses relations avec le pape sont exécrables. Bannon estime le Pape trop progressiste. Maurras, qui fut excommunié, déclarait volontiers qu’il était « catholique mais pas chrétien », se reconnaissant dans la société hiérarchique et autoritaire de l’Eglise, dans ses fastes et cérémonies, mais pas dans son message universel et charitable. On devine que Bannon, en relation avec les cardinaux les plus conservateurs, pense de même. Maurras était monarchiste. Bannon ne peut pas l’être, mais sa conception de la présidence américaine est certainement autoritaire.

Poursuivant le parallèle, Bannon, comme Maurras, définit l’Amérique par opposition à un bouc émissaire : la république et les Juifs chez Maurras, l’Islam chez Bannon. Mais il ne semble pas que Maurras envisageait une fin des temps imminente (encore que le nazisme fut une sorte d’Armageddon). Bannon, quant à lui, attend l’Apocalypse et peut-être l’espère-t- il aussi. Souhaitons seulement qu’il ne la provoque pas !

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