Trump, le président ultra-blanc

Nombreux sont ceux qui saluèrent dans l’élection de Donald Trump, en novembre dernier, la « revanche de l’homme blanc ». Ce sentiment revanchard perdure aujourd’hui, plus néfaste que jamais.

Une certaine catégorie d’Américains ne s’est jamais accommodée de la victoire de Barack Obama ni des transformations subies par la société américaine depuis les années 1960. Le féminisme, la diversité ethnique, la priorité aux minorités dans les universités et les emplois publics, le mariage homosexuel ont été autant d’encoches dans l’idée supérieure que l’homme blanc avait de lui-même, avec une nostalgie pour le temps où il régnait en maître sur sa famille et sa communauté. Ce refus de n’être plus que quelques-uns parmi le grand nombre des Américains remonte évidemment au temps de l’esclavage et au déni de l’émancipation des noirs, mais aussi des asiatiques qui furent longtemps interdits aux Etats-Unis. Il semblait cependant que les réunions secrètes du Ku Klux Klan n’appartenaient plus qu’au folklore sudiste.

Voici que surviennent les manifestations nationalistes qui causèrent de violents affrontements et plus de trente victimes à Charlottesville (Virginie) le week-end dernier. Il apparaît alors que les suprémacistes blancs n’ont guère disparu et semblent même avoir retrouvé leur dynamisme grâce au règne de Trump. Celui-ci, lors de sa campagne électorale, n’avait cessé d’exalter les « valeurs » de l’Amérique blanche, ses cultes protestants, son droit de porter des armes et de se défendre contre les agressions, y compris celles de l’Etat. Au cours de ses réunions publiques, il s’était fait l’apôtre de la violence et du règlement du compte. Le vocabulaire de Trump, sa dégaine, son goût de l’injure, tout cela appartient bien au folklore des suprémacistes. Ils ont voté pour lui.

On ne doit donc pas être surpris ni des violences de Charlottesville, ni des réticences de Trump à condamner les suprémacistes — sa réaction immédiate a été de renvoyer dos à dos racistes et antiracistes. Cette égalité de traitement a surpris son propre entourage. Les Républicains les plus conservateurs, son ministre de la Justice et sa propre fille et conseillère ont, eux, condamné sans état d’âme les suprémacistes. Bien des commentateurs ont rappelé, en cette occasion, que les suprémacistes assassinaient plus d’Américains que tous les terroristes islamistes réunis. Comment interpréter la stratégie de Donald Trump dans cette affaire ? Croit-il même ce qu’il dit ? Ce que pense un président est en réalité moins important que son discours.

Il se confirme donc que Trump n’est pas vraiment le président de tous les Américains ; il n’est même pas président du tout mais un candidat en campagne électorale permanente, son attention fixée sur sa réélection. Il ne s’en cache pas. Il semble bien considérer que les troupes de choc du suprémacisme pourraient lui être aussi utiles dans trois ans qu’elles le furent en novembre dernier. Mais il me paraît plus probable que Trump ne soit pas réélu ou ne finisse pas son mandat. Son propre parti le lâchera avant terme. A chaque ligne rouge qu’il franchit, en tentant de priver trente millions d’Américains de leur assurance maladie, en risquant une guerre inutile en Corée, en soutenant les suprémacistes, on voit se déliter le soutien républicain. Même la presse conservatrice enjoint Trump de dénoncer le « nationalisme blanc », ce qu’il ne fait pas, alors qu’il est toujours prêt à agresser les musulmans ou les Mexicains. Or, dans un régime politique où le parlement compte autant que la présidence, un président ne peut survivre sans l’appui de son parti. Le parlement peut se débarrasser du président, mais pas l’inverse. Chaque jour, Trump creuse un peu plus sa tombe.

Caricature : © Carlos Latuff

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