Deux Françaises remettent au travail les mamies de New York

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Les grands-mères de New York peuvent reprendre une vie active en tricotant des bonnets pour Wooln, une start-up fondée par deux Françaises expatriées aux Etats-Unis. Créée il y a trois ans, l’entreprise dirigée par Margaux Rousseau et Faustine Badrichani est en progression constante en termes de ventes et d’employées.

Neuf retraitées tricotent régulièrement pour la marque. Les « grandmas« , comme on les appelle affectueusement, passent à l’atelier de Wooln à Greenwich Village plusieurs fois par mois pour y chercher de la laine. Lorsqu’elles ramènent le produit fini, généralement une semaine plus tard, elles sont payées environ la moitié du prix de gros du bonnet — soit trente dollars en 2015, selon le quotidien new-yorkais Metro.

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Artiste de formation et adepte du tricot, la Française Faustine Badrichani a fondé la marque Wooln en 2015. © Melody Chan

Faustine Badrichani organise des groupes de tricot dans son appartement pour satisfaire la demande croissante pendant les mois les plus froids de l’année et la période des fêtes, mais les mamies tricotent le plus souvent pendant leur temps libre. « Elles ont chacune leurs habitudes », explique la Française. « L’une a dix projets en cours à la fois tandis qu’une autre reprend son ouvrage quand elle y pense. » Chaque mamie choisit la quantité, la fréquence et les modèles qu’elle souhaite tricoter. Certaines ne veulent pas tricoter de noir, car c’est plus difficile à voir.

Gros plan sur les personnes âgées

Wooln a vu le jour lorsque Margaux Rousseau, nouvellement expatriée, a rencontré Faustine Badrichani, alors installée aux Etats-Unis depuis cinq ans. A New York, les deux Françaises remarquent que les personnes âgées sont très peu présentes. « On voit beaucoup plus de personnes âgées à Paris, où elles semblent mieux intégrées dans la vie quotidienne », observe Faustine Badrichani, qui a grandi à la campagne, près d’Avignon, avant de déménager à Paris pour ses études de commerce. « J’ai l’impression que les personnes âgées françaises ne se sentent pas aussi isolées que leurs homonymes américains. En France, il est courant de déjeuner ou de dîner avec ses parents vieillissants ou ses grands-parents, ce qui n’est pas nécessairement le cas ici. »

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Annie Ganter, originaire de Grenoble, vit à Manhattan depuis quinze ans. Elle a appris à tricoter avec sa mère. © Melody Chan

Adepte du tricot, Margaux Rousseau réalise que les femmes plus âgées, qui ont appris à tricoter dans leur enfance, possèdent une compétence précieuse : leur talent pourrait être mis à profit pour fabriquer des produits en laine. Les deux Françaises font alors le tour des maisons de retraite de Manhattan, de Brooklyn et du Queens et placent des annonces dans le but de recruter des personnes âgées sachant tricoter. Margaux crée les modèles et Faustine, artiste de formation, conçoit l’esthétique de la marque.


Tous les articles Wooln portent une étiquette signée par sa créatrice. Chaque mamie est présentée en ligne par une courte biographie et un portrait au crayon. Les clients peuvent ainsi mettre un visage sur le fabricant de leur bonnet. Les deux entrepreneures françaises espèrent créer des liens entre les tricoteuses, des retraitées âgées de 70 à 80 ans, et leurs clients plus jeunes, à la fibre sociale et écologiste. « Nous ne nous adressons pas au public qui fait son shopping chez Zara ou Century 21 », souligne Faustine Badrichani. « Nos bonnets sont des articles de luxe, destinés à ceux et celles qui veulent une laine de qualité et qui s’intéressent à l’artisan derrière le produit. »

Alpaca, mérinos, mohair et cachemire

La marque a lancé sa troisième collection en septembre : dix bonnets et un bandeau en laine, pour un coût de 65 à 165 dollars. La plupart des laines proviennent d’alpacas péruviens, mais les grandmas tricotent aussi avec du mérinos, du mohair et du cachemire. Les bonnets, vendus en ligne, sont expédiés dans le monde entier. Wooln est aussi présente dans quatre boutiques à New York et cherche à étendre sa présence sur la Côte Ouest. Margaux Rousseau s’est installée à Los Angeles l’année dernière pour recruter de nouvelles mains.

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La dernière collection de Wooln comprend dix bonnets et un bandeau en laine vendus entre 65 et 165 dollars. © Melody Chan

Malgré leur âge, les ouvrières de Wooln sont très actives. Elles font du yoga ou du vélo, travaillent dans des jardins communautaires de Manhattan ou sont bénévoles pour nourrir les poulets de Governors Island. Wooln, cependant, représente pour elles un moyen de monétiser leur passe-temps. « C’est la seule chance qu’ont ces femmes de gagner de l’argent et de fabriquer quelque chose destiné à la vente », indique Faustine Badrichani. « Certaines d’entre elles n’ont pas reçu de salaire depuis vingt ans ! Nous leur donnons un sentiment d’appartenance et leur permettons de se sentir utiles. »