In Search of the Franc-Comtois People of America

Enfant, Billy Fumey rêvait de devenir cow-boy. Le jeune homme est aujourd’hui “émissaire” de sa Franche-Comté natale en Amérique. Guitare à la main, il parcourt le Missouri, l’Indiana, la Pennsylvanie et l’Ohio sur les traces des premiers colons franc-comtois.

Les habitant de Besançon, dans l’est de la France, savent que leur ville porte le même nom qu’une bourgade de l’Indiana. Ils ont lu dans la presse locale que cette bourgade a voté à 57,5 % pour Donald Trump en novembre 2016, mais ignorent tout de son passé francophone. “La ville de Besançon est jumelée avec Charlottesville, en Virginie, mais néglige son homonyme de l’Indiana, fondée en 1846 par des émigrés franc-comtois”, regrette Billy Fumey.

Musicien, mais aussi folkloriste et historien, le guitariste de vingt-six ans, originaire de Champagnole dans le Jura, s’est donné pour mission de “renouer les liens avec la diaspora comtoise” en Amérique du Nord. “Mon idée n’est pas neuve”, se défend-il. “Les Alsaciens, les Basques et les Bretons entretiennent des liens très étroits avec leurs cousins d’Amérique, mais rien n’existait pour la région Franche-Comté.”

En octobre dernier, le jeune Français commençait sa deuxième tournée américaine au Mexique. La ville de San Rafael, dans l’Etat de Veracruz, a été fondée au XIXe siècle par des émigrés venus de Champlitte, à proximité de Dijon. Un jumelage créé en 1986 officialise le lien entre les deux communes et perpétue les échanges. Billy Fumey espère pouvoir faire de même en Amérique du Nord. Ses recherches lui ont permis d’établir une liste de villes fondées par des colons francs-comtois : Belfort (New York), Besancon (Indiana), Bonnots Mill (Missouri), Frenchtown (Pennsylvanie), Frenchville (Pennsylvanie), Perryville (Missouri), Saint-Claude (Manitoba) et Saint-Lupicin (Manitoba).

Une page d’histoire méconnue

Entre 1820 et 1870, plus d’un millier de Franc-Comtois ont quitté leur région pour s’installer aux Etats-Unis. Les causes du départ varient : gel de la vigne, mauvaises récoltes, perspectives d’avenir limitées pour les cadets de familles nombreuses. Des villages entiers sont allés tenter leur chance dans le Missouri, dans l’Indiana, en Pennsylvanie et dans l’Ohio, explique Billy Fumey.

Dans les années 1840, Felix Bonnot quitte le village de Valone dans le Doubs et s’installe dans une ferme sur la rivière Osage, dans le Missouri. Lorsqu’arrive le chemin de fer, le Français construit une gare, une scierie, un moulin et donne son nom à la nouvelle ville : Bonnots Mill. D’autres habitants de Valone, ayant eu connaissance de son succès, viennent le rejoindre. En cinq ans, le village français perd vingt pour cent de sa population.

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En Pennsylvanie, la paroisse Saint-Hippolyte de Frenchtown a été fondée par des émigrés francs-comtois en 1834.

Plus personne à Bonnots Mill ne parle français aujourd’hui, témoigne Billy Fumey, qui a donné un concert au Johnny Mac’s Bar & Grill (“un vrai saloon”) de la ville. Le Dauphine Hotel et l’église catholique St. Louis of France rappellent l’origine des premiers résidents. Dans le cimetière local, les pierres tombales portent des “noms de famille typiquement franc-comtois” : Boillot, Dubrouillet, Eynard, Henriot, Hubert, Jacquin, Perrot, Vincent.

Un “Rond-point du Missouri” dans le Doubs

L’histoire se répète dans d’autres villes. Dans l’Indiana, la banlieue de Fort Wayne a rattrapé la commune de Besancon mais l’église catholique Saint-Louis — qui tiendrait son nom de celle du quartier de Montrapon à Besançon — témoigne du passé français de la région. Une fleur de lys décore la nef de l’église inscrite au National Register of Historic Places et des passeports délivrés à Vesoul seraient exposés au musée local. Sur le lac Erié, à Frenchtown, la paroisse Saint-Hippolyte, fondée en 1834, tiendrait son nom d’une ville du Doubs. Les communes fondées par des Francs-Comtois aux Etats-Unis, observe Billy Fumey, sont généralement restées “des îlots catholiques dans une région majoritairement protestante”.

Dans les villes où il s’arrête, le jeune musicien chante ses airs folks en français et en arpitan (une langue régionale parlée de la Franche-Comté au Val d’Aoste italien), s’accompagne à la guitare et tisse des liens avec des descendants de colons français. Il espère créer l’équivalent de l’association Franche-Comté Québec pour les Etats-Unis et officialiser les échanges culturels. Il espère convaincre le conseil municipal de Levier, dans le Doubs, d’inaugurer un “Rond-point du Missouri” en hommage aux 210 habitants du village qui ont émigré aux Etats-Unis et planche sur une parade d’Halloween pour 2018. Billy Fumey a déjà en tête une nouvelle tournée aux Etats-Unis et au Canada et éventuellement, un musée de l’immigration franc-comtoise. “C’est une histoire méconnue en France et aux Etats-Unis ; tout reste à faire !”