Entretien

Xavier Kim : inflexible flexibilité

A quelques jours de l'ouverture du San Francisco International Arts Festival, qui présentera des spectacles d'art vivant mêlant danse, théâtre, musique et performances issus de dix pays, le directeur de la compagnie française AKYS, Xavier Kim, revient sur la démarche derrière son spectacle 100 % croissance, critique acrobatique d'un système économique déshumanisant.
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France-Amérique : En quoi consiste 100 % croissance et comment est née l’idée de ce spectacle ?

Xavier Kim : J’avais envie d’aller voir ce qui se passe dans l’entreprise. J’essaie toujours de rejoindre une résonance sociale dans mes spectacles. Ayant commencé le cirque tard, j’ai fait pas mal d’animation au départ. En voyant la situation de beaucoup de mes congénères entre 20 et 30 ans, j’ai commencé par faire un spectacle sur l’ANPE. Puis, j’ai créé 100 % croissance, dans lequel on joue beaucoup sur les inversions par le biais de la vidéo : le mur devient le sol, le sol devient le mur. La poignée de mains devient un argument chorégraphique. Comme j’ai un passé de judoka, on a greffé du judo sur la danse. J’aime faire du body-jockeying, comme un DJ, mais avec le corps. On se noie dans la vidéo pour évoquer cette absence de sa propre présence de tous ces gens qui sont à la ramasse, qui sont là sans avoir prise sur leur environnement. Il y a toujours un jeu entre une certaine beauté formelle et une interpellation sociale. Ça nourrit la grammaire de la danse.

Comment avez-vous été amené à jouer ce spectacle au festival de San Francisco ?

On a joué aux Subsistances, qui est un théâtre lyonnais assez trendy et qui amène pas mal de programmateurs. Andrew Wood, le programmateur du Festival des arts international de San Francisco, est venu voir le spectacle à ce moment-là. Il a flashé, il a trouvé ça super. Et puis on a eu un article dithyrambique dans Le Monde.

Comment a été reçu le spectacle jusqu’ici ?

On a tous types de réactions… On a beaucoup de gens type ouvriers qui me disent : « Moi d’habitude, le cirque, ça me gonfle, mais toi, j’aime bien ton truc. » Le fait de parler du chômage, de réalités économiques et sociales, ça parle aux gens. Mais j’avoue que ce n’est pas le spectacle qui marche le mieux. On m’a dit que c’était très bien, mais on ne le programme pas beaucoup. C’est bizarre : quand on joue, c’est dans des gros trucs, comme aux Subsistances ou à Taiwan et San Francisco, mais on ne tourne pas beaucoup. Comme on est assez hybride, c’est assez difficile de plaire à tout le monde. Les amateurs de cirque trouvent qu’il n’y a pas assez de cirque, les amateurs de danse trouvent que ce n’est pas de la danse. Les programmateurs pensent que ça ne correspond pas à leur public. Entre l’envie de la pratique scénique transdisciplinaire et la réalité avec le robinet de financement, de diffusion et de production, ce n’est pas évident. Je l’analyse comme ça, en tout cas. Désolé, je ne me vends pas super bien !


San Francisco International Arts Festival
Du 19 au 30 mai 2010
Fort Mason Center