Cinéma

Julie Delpy : la France vue d’Amérique

Installée à Los Angeles depuis plusieurs années déjà, elle a pourtant situé en France le film qu’elle vient de réaliser, Two Days in Paris. C’est que Julie Delpy est multiple, toujours en mouvement, jamais où on l’attend.
Julie Delpy dans Two Days in Paris. © Polaris Films

On connaissait l’actrice, on a découvert la chanteuse, avec l’album qu’elle a enregistré en 2003, la scénariste, avec Before Sunrise, co-écrit avec Ethan Hawke, et maintenant la réalisatrice. Si elle revendique sans cesse cette double culture qu’elle a maintenant intégrée, c’est parce qu’elle a renoncé à choisir. Issue d’une famille d’acteurs, Julie Delpy a fait sa première apparition à l’écran à l’âge de 7 ans. Elle est révélée à 14 ans par Jean-Luc Godard dans Détective, remporte deux ans plus tard un César pour son rôle dans Mauvais Sang de Léos Carax et tient ensuite le haut de l’affiche dans La Passion Béatrice de Bertrand Tavernier. Elle joue en anglais pour la première fois en 1990, dans Voyager de Volker Schlöndorff, avant de s’installer aux Etats-Unis, d’abord à New York pour y faire des études de cinéma, puis en 1994 à Los Angeles à l’occasion du tournage de Killing Zoe, réalisé par Roger Avary.

Récemment, on l’a vue dans The Hoax (Le Faussaire) de Lasse Hälstrom, avec Richard Gere. Après deux longs métrages réalisés sans un sou et mal distribués, Two Days in Paris est sa première grande expérience de mise en scène. Elle y tient le rôle de Marion, qui s’arrête dans sa ville natale le temps de récupérer son chat, Jean-Luc (un clin d’œil à Godard) et croise de nombreux ex. Son petit ami new-yorkais, joué par le très convaincant Adam Goldberg, la croit croqueuse d’hommes. Il devient jaloux, ce qui met leur couple en danger.


France-Amérique : Depuis que vous faites carrière aux Etats-Unis, vous ne tournez plus beaucoup en France…

Julie Delpy : Je n’ai même pas d’agent en France, cela montre à quel point je suis rayée des listes ! Personne ne veut me représenter. Les Français sont un peu arrogants : ils pensent que parce que je tourne aux Etats-Unis, ils ne m’intéressent plus. Mais je pense qu’avec la sortie de ce film, cela va changer.

Comment avez-vous fait pour vous faire une place dans le cinéma américain ?

Un peu de patience et de travail, de l’endurance et une grande capacité à s’adapter. Il faut vraiment s’imprégner de la culture américaine.

Comment le film a-t-il été accueilli en France ?

Je m’attendais à quelque chose de très négatif et ce fut le contraire. Les gens ont accepté la critique de la France avec humour. Quelques personnes ont mal pris les scènes concernant les chauffeurs de taxis [le premier bat sa femme ; le second est raciste et le troisième flirte avec Marion devant Jack, son petit ami]. Ils m’ont demandé comment j’avais pu oser décrire des taxis racistes à Paris. J’ai répondu : « Vraiment vous n’en avez jamais rencontré ? Vous avez une voiture alors ! »

La France de Two Days in Paris est beaucoup plus crue que celle qu’on voit dans le cinéma américain. Est-ce que vous vouliez casser le mythe du Paris romantique ?

Oui, parce que Paris peut être déprimante comme elle peut être la ville la plus formidable de la terre. C’est vrai que tous les jeunes Français dans le film parlent de sexe, et toujours exagérément, pour bien nourrir la paranoïa de Jack [Adam Goldberg] sur la sexualité des Français. En France, discuter avec ses parents de sexualité n’est pas tabou. Je pense que c’est culturel.

Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de Two Days in Paris ?

Une fois, j’ai passé un nouvel an à Paris avec ma meilleure amie et ça a été la pire nuit de ma vie. Nous avions lu que les métros allaient fonctionner toute la nuit, mais nous nous sommes retrouvées au milieu de la nuit à l’autre bout de Paris, coincées, sans métro ni taxi. Nous avons traversé la ville et ce fut une épopée. A 6 heures du matin, les métros ont rouvert et nous nous y sommes entassées avec quelques autres milliers de personnes, toutes les deux misérables. Heureusement que c’était une amie, parce qu’un étranger n’aurait jamais compris ce qui se passait. Ce sont toujours les pires histoires qui font les meilleures comédies. Le film est basé sur ma paranoïa de perdre mon petit ami sur des bêtises comme celles de Marion, de me retrouver dans une série de quiproquos et que ça fiche en l’air ma relation. Ce n’est pas du tout autobiographique, c’est simplement une phobie.

Travaillez-vous sur un nouveau film ?

Oui, je travaille sur un drame historique, qui s’intitulera The Countess, que j’ai écrit et que j’espère réaliser. C’est tiré de l’histoire d’Elizabeth Bathory, une comtesse hongroise du XVIIe siècle. Elle était obsédée par la jeunesse éternelle et se baignait dans le sang de jeunes filles vierges. Elle a tué environ 400 filles. On dirait un conte gothique, mais je l’ai écrit comme un drame, centré sur l’aspect psychologique et humain du pouvoir et de ses méfaits. On verra, si ça ne marche pas, je referai des comédies.