Le FN, objet de fascination des médias américains

A la suite des attentats de Charlie Hebdo, les médias américains ont porté un intérêt tout particulier au Front National et à la personnalité de Marine Le Pen. Décryptage d’une couverture médiatique inédite.

“La fille du diable”. Le titre de cet article d’octobre 2013 du journal The Atlantic concernant Marine Le Pen annonçait la couleur. Après une explication de la tentative de dédiabolisation du parti, le média américain affirmait : “et pourtant, l’agenda de Marine Le Pen reste profondément nationaliste et xénophobe“. Une opinion commune à la plupart des articles américains sur le Front National.

Depuis les attentats de Charlie Hebdo et deux ans après une série de victoires électorales pour le FN, les médias américains ont un regain d’intérêt pour le Front National et ses idées. Et le regard porté sur le parti politique d’extrême-droite a semble-t-il quelque peu changé. Le New York Times a surpris nombre de ses lecteurs, ainsi que la presse française, lorsqu’il a publié une tribune de Marine Le Pen le 18 janvier 2015, quelques jours après les attentats de Paris.

La tribune, disponible en français et en anglais avait provoqué des réactions nombreuses et variées (473 commentaires à ce jour) chez les lecteurs du quotidien. Certains, bien qu’opposés aux idées de Marine Le Pen, saluaient la volonté du New York Times de lui donner la parole. D’autres s’indignaient que le journal ait pu se “laisser avoir par sa rhétorique qui cache un racisme et une xénophobie bien présente dans le parti”. Certains s’étonnaient enfin qu’une tribune soit accordée à Marine Le Pen, alors que, dans le même temps, le quotidien américain refusait de montrer les Unes de Charlie Hebdo.

En réaction à cette tribune, le site internet Quartz s’en était pris au New York Times. Le média, appartenant au groupe de The Atlantic, dénonçait l’absence d’une mise en perspective sur la personne de Marine Le Pen, et sur l’histoire de son parti. Quartz s’étonnait également que le New York Times puisse offrir sa page “opinion” à Marine Le Pen, alors même qu’il refuserait une tribune du représentant très conservateur de la droite catholique américaine Pat Buchanan.

Une dédiabolisation jusque dans la presse américaine

La semaine dernière, le New York Times a consacré un reportage au FN. La journaliste américaine Susan Dominus s’est rendue à Fréjus, dont le nouveau maire David Rachline est membre du Front National. Pas de contradicteur dans l’article mais quelques rappels des propos de Jean-Marie Le Pen, ou des polémiques autour du nouveau maire d’Hayange, Fabien Engelmann, qui avait notamment interdit la tenue d’un cours de danse africaine dans un local de la ville. Dès le sous-titre de l’article “le parti ultranationaliste français marginal n’est plus tant à la marge”, on comprend que le New York Times parle désormais du FN comme il évoquerait le PS ou l’UMP.

Le 16 janvier, c’est le Wall Street Journal qui consacrait un très long article à Marine le Pen, écrit par le correspondant du quotidien à Londres. Le journaliste a rencontré la présidente du FN à Nanterre, au QG du parti. Visiblement séduit, il évoque une femme politique “charmante” au “sourire qui couvre de l’acier”. Pas question pour le Wall Street Journal de dénigrer le FN. “Il est tentant d’accuser ses positions d’être irréalistes et à l’inverse de l’histoire de France, comme le font régulièrement les hommes politiques et les médias français”. Tout comme le New York Times, le Wall Street Journal semble fasciné par la capacité de Marine Le Pen à avoir su réinventer le parti et à capitaliser sur la crise économique et les attentats de Charlie Hebdo.

Pour trouver des articles plus virulents sur le Front National, il faut se tourner vers The Nation, journal qui s’auto-décrit comme “the flagship of the left”. A l’instar du Wall Street Journal, et du New York Times, l’hebdomadaire rappelle dans son article paru en ligne le 14 janvier le “détail de l’histoire” de Jean-Marie Le Pen, mais, contrairement aux autres journaux américains, The Nation estime que le FN ne s’est pas distancé de son passé. Le journal américain est d’ailleurs le seul à définir le FN comme “un parti d’extrême-droite”. Il qualifie aussi le parti d’”ouvertement islamophobe, raciste et xénophobe”. L’hebdomadaire s’interroge d’ailleurs sur la capacité de la France à se rassembler contre la terreur et l’intolérance, quand “un quart de ses constituants vote pour un parti sectaire”.

L’intérêt porté à Marine Le Pen par les médias américains n’est pas nouveau. Pour rappel, la présidente du Front National était parmi les 100 personnalités les plus influentes du monde en 2011 selon le célèbre classement du Time. Mais la récente tribune accordée à Marine Le Pen dans le New York Times – qui aurait été impossible il y a encore quelques années – illustre qu’aux Etats-Unis comme en France, la “dédiabolisation” du FN est en marche.