Pratique

Quels produits français peut-on rapporter dans ses bagages ?

Saucisson, champagne, foie gras, camembert... Les produits piliers de la gastronomie française doivent montrer patte blanche pour passer la douane américaine. Pour des raisons d’hygiène ou diplomatique, certains aliments sont devenus les bêtes noires des douaniers, au grand dam des particuliers et des producteurs français. A l’approche de Noël, France-Amérique revient sur les différentes réglementations en cours. Tour d’horizon des marchandises autorisées ou interdites.
© Lodewijk Hertog

Passer la douane américaine est toujours une épreuve. Outre le défaut de visa, la police aux frontières traque les passeurs de drogue, les armes, les contrefaçons et les blanchisseurs d’argent de toute nationalité. Mais il est une particularité bien française qui retient l’attention : la fraude aux produits alimentaires.

Julie Delpy, la plus américaine des cinéastes françaises, s’en amuse. Dans son film Two days in New York, elle filme dans une scène devenue culte son père retenu à la douane pour avoir glissé dans sa valise saucissons et fromages. Une situation bien connue des Français expatriés aux Etats-Unis, qui tentent encore désespérément de tromper l’attention des douaniers, pourtant réputés très vigilants, sur les produits alimentaires non stérilisés, tels que les fromages ou la charcuterie. Voici quelques repères pour éviter d’avoir maille à partir avec les douaniers.

Le fromage en ligne de mire de la police aux frontières

Il existe bien une interdiction de certains types de fromages. Une régulation qui remonte à 1949 et une épidémie de typhoïde au Canada dont la cause aurait été un cheddar fait à partir de lait cru. Depuis cette régulation vieille de soixante-huit ans, tous les fromages produits aux Etats-Unis ou importés doivent être fait à partir de lait pasteurisé (chauffé à une température de 72°C pendant quinze secondes ou 63°C pendant trente minutes) ou affinés durant au moins soixante jours.

Devant la popularité grandissante des fromages au lait cru, la FDA (Food and Drug Administration) et son équivalent canadien ont décidé de réévaluer les risques de ces fromages. Une étude publiée en février 2013 a confirmé la dangerosité supposée des fromages non-pasteurisés et la FDA a donc décidé de maintenir ses restrictions. Pour justifier sa décision, l’autorité de santé américaine affirme que les produits à base de lait cru entraînent un risque d’hospitalisation treize fois supérieur aux produits laitiers pasteurisés. Les autorités sanitaires américaines semblent mettre de côté les nombreuses épidémies mortelles de salmonelle dues au lait pasteurisé…

Le camembert français présent dans les rayons des supermarchés américains est donc pasteurisé et différent du fromage que l’on trouve en France. Le crottin de Chavignol, fromage AOC de la vallée de la Loire, est ainsi vendu aux Etats-Unis dans sa version pasteurisée et non AOC sous l’appellation « crottin de Champcol ».

Le roquefort, une pomme de discorde entre la France et les Etats-Unis

Outre des différences dans les réglementations hygiéniques, le fromage – symbole de la gastronomie française – a aussi été victime de conflits diplomatiques entre la France et Etats-Unis. Ce fut le cas du roquefort, en 1999, puis à nouveau dix plus tard. En 1999, les Etats-Unis ont ainsi imposé une taxe de 100 % sur tous les roqueforts exportés sur le territoire américain. Une décision motivée par le refus de l’Union européenne d’importer depuis les Etats-Unis de la viande de bœuf élevée aux hormones de croissance. En 2009, le conflit est reparti de plus belle lorsque l’Union européenne a interdit de nouveau le bœuf américain à la suite du scandale des hormones de croissance. En représailles, l’administration Bush décide d’élever à 300 % les droits de douanes pour le fromage français. Une réglementation qui ne sera jamais appliquée.

En mai 2011, après douze ans de conflits, les Etats-Unis ont non seulement abandonné leurs menaces d’augmenter les droits de douane sur le roquefort mais ont également mis fin à la première taxe de 100 %. Les vingt ans de surtaxation auront néanmoins fait beaucoup de mal au roquefort. Les importations aux Etats-Unis ont baissé de moitié entre 1999 et 2012. « A l’époque, les Américains appréciaient beaucoup le roquefort dit de commodité, ils l’utilisaient comme ingrédient pour cuisiner plus que comme produit brut », expliquait Gérard Casemajor, président de la Confédération de roquefort. « Pas sûr que l’on puisse reconquérir ce marché. » En 1999, 469 314 tonnes de roquefort ont été exportées aux Etats-Unis, soit 165 tonnes de plus qu’en 2012, malgré un rebond de la vente suite à l’arrêt de la taxe de 100 % un an plus tôt.

La mimolette, victime de sa recette

C’est aujourd’hui la mimolette vieille qui est au centre d’un nouveau désaccord entre les deux pays. En juillet 2013, la FDA a interdit l’importation de ce fromage invoquant une quantité de mites trop importantes sur la croûte. L’autorité de santé américaine affirme que la mimolette « semble être, en totalité ou en partie, composé d’une substance dégoûtante, putride, ou décomposée, ou autrement inadaptée comme nourriture ».

Pour justifier l’arrêt de l’exportation de la mimolette, la FDA s’appuie sur une loi de 1940 qui stipule qu’un produit ne peut contenir plus de 6 acariens par inch (2,5 cm) au carré. Or, dans la mimolette, on trouve de 30 à 3 000 acariens sur cette même surface, pulvérisés volontairement sur le fromage afin qu’ils grignotent et aèrent la croûte. La FDA a depuis « admis que les acariens utilisés dans l’affinage [de la mimolette vieille] ne rendaient pas les fromages impropres à la consommation », explique Nicolas Jarossay, directeur de la coopérative normande d’Isigny Sainte-Mère.

Quels fromages emporter dans ses bagages ?

A chaque aller-retour entre la France et les Etats-Unis, la même question se pose : peut-on ramener du fromage français dans ses bagages ? La réponse est oui pour tous les fromages dits solides ou semi-soft, même non-pasteurisés. Des fromages interdits à la vente aux Etats-Unis peuvent donc être ramenés depuis la France à condition d’être destinés uniquement à la consommation personnelle. Brie ou camembert au lait cru sont donc autorisés à l’inverse des fromages trop coulants tel le vacherin Mont-d’Or. « Si c’est gluant et que ça peut se tartiner, c’est interdit », résume Alejandra Scaffa, superviseur agricol pour le Department of Homeland Security.

La charcuterie française pas la bienvenue aux Etats-Unis

En 1942, Jean Gabin et Bourvil transportaient, au péril de leur vie, du cochon d’un bout à l’autre de la capitale dans La Traversée de Paris. En 2013, c’est une traversée de l’Atlantique tout aussi rocambolesque à laquelle se sont livrées les autorités françaises. A l’occasion du festival Taste of France, Guillaume Garot, ministre délégué à l’Agroalimentaire, avait en effet décidé de transporter dans ses valises deux jambons de Bayonne.

Partis d’Arzacq, siège du consortium du jambon de Bayonne, les deux jambons de cinq kilos ont été exportés dans le cadre d’une procédure spéciale. En effet, depuis 2004, un embargo américain empêche les producteurs français d’exporter leurs salaisons aux Etats-Unis. Mais les exposants français sont autorisés à présenter leurs produits dans les foires et salons en attendant les précieux agréments exports qu’exige l’administration vétérinaire américaine. Tout ne s’est pourtant pas passé comme prévu pour la délégation diplomatique à son arrivée aux Etats-Unis.

Les deux jambons ont en effet été confisqués à l’aéroport JFK par les douaniers américains. « Il manquait un formulaire, on y a passé des heures », a déclaré le ministre. Bien décidés à se jambonner avec les autorités françaises, les agents américains ont demandé aux Français de payer une taxe de 150 dollars, ainsi qu’une amende de 565 dollars pour « permis d’importation incomplet ». Les services consulaires ont dû intervenir pour régler l’amende et libérer les jambons. Une anecdote qui illustre bien l’intransigeance américaine en matière d’exportation.

Un embargo soudain

L’interdiction d’exportation de salaisons françaises remonte au 24 février 2004. Ce jour-là, le ministère français de l’Agriculture reçoit un message annonçant un embargo américain sur ces produits pour raisons sanitaires. Une décision inattendue, quelques heures après l’annonce faite par l’Union européenne de la suspension provisoire de l’exportation en Europe de volailles et œufs américains, en pleine crise de grippe aviaire. A l’époque, la France ne se risque pas à faire publiquement le lien entre ces deux événements mais se contente de dénoncer une décision injustifiée, « non motivée par la sécurité sanitaire ». Une interdiction soudaine qui a d’autres explications. « Des auditeurs américains envoyés en France ont constaté que la manière de gérer les procédures sanitaires des entreprises françaises ne correspondait pas à leurs attentes. L’hygiène était respectée, mais les Français n’en apportaient pas la preuve comme les Américains le souhaitaient », affirme Elisabeth Descamps, experte en exportation des produits animaux chez FranceAgrimer, un organisme d’Etat.

Les relations franco-américaines, déjà refroidies par l’épisode de la guerre en Irak, ont fait de l’alimentaire un bouc émissaire. Le différent politique n’a en effet pas aidé à la coopération entre les deux pays sur ce sujet. Plusieurs entreprises françaises ont alors décidé de jeter l’éponge, le marché américain n’étant à l’époque pas très conséquent. La France n’a repris en main le dossier qu’en 2011, lorsque les exportateurs français se sont aperçus que les Espagnols et les Italiens avaient depuis ouvert un marché important aux Etats-Unis.

« Les Etats-Unis représentent aujourd’hui le premier marché export pour le jambon de Parme », affirme Stanislas Salembier, directeur de l’export de Delpeyrat, le leader du jambon de Bayonne. « On espère de notre côté exporter quarante tonnes de salaisons la première année et cent tonnes dès la troisième année. »

Pas de saucisson dans les bagages

En attendant que le jambon français arrive sur les étals des supermarchés Whole Foods et Trader Joe’s, de nombreux Français emportent, à risque, des saucissons secs, salamis ou du jambon cru dans leurs valises. Il est pourtant interdit de ramener des produits français à base de viande frais ou secs. « Qu’il soit cru ou fûmé, les douaniers saisiront n’importe quel jambon d’origine française », affirme Alejandra Scaffa, superviseur agricol pour le Department of Homeland Security. Sans donner de chiffres précis, les douaniers américains affirment que les salaisons sont les aliments les plus fréquemment reniflés par les chiens aux aéroports.

2015 pourrait être l’année de la reprise des exportations de salaisons aux Etats-Unis. En septembre 2011, deux séances de formation sur les conditions sanitaires américaines à respecter dans les usines ont été organisées en France. Des cinquante personnes présentes à cette première réunion, chapeautée par des consultants de la Food Safety Inspection Service (FSIS), seules 20 se sont rendues à la deuxième séance. Les autres ont été découragées par les nouvelles mesures draconiennes imposées par les Etats-Unis. Parmi elles, l’absence totale de listeria, autorisée en faible quantité par les normes européennes. Modifier la production a un coût. Et seules une dizaine d’entreprises françaises ont les moyens de poursuivre leur formation. « Il faut investir dans du personnel formé pour effectuer les contrôles préalables et compléter les dossiers », confirme Elisabeth Descamps.

Le foie gras français en perte de vitesse des Etats-Unis

« Le foie gras, au même titre que le roquefort et d’autres produits, est la victime indirecte depuis dix ans d’un contentieux qui lui est étranger », écrivait en 2009 le ministère du Commerce extérieur. A l’instar du roquefort, le foie gras importé aux Etats-Unis sous forme de préparation ou de conserve est soumis à un droit de douane de 100 % depuis 1999 et la crise de la viande aux hormones. Et tous comme les salaisons, le foie gras a subit un bref embargo en 2004, là encore pour des raisons diplomatiques. Les bâtons mis dans les roues des exportateurs ont eu raison de la présence du foie gras français. 

Face à ces réglementations sanitaires drastiques, de nombreux producteurs ont abandonné le marché américain. « Il y a d’abord eu la crise qui a vu la baisse de consommation du foie gras », énumère Elisabeth Descamps, experte en exportation des produits animaux chez FranceAgrimer. « Ensuite, l’interdiction à la vente du produit en Californie fait craindre aux producteurs que cette loi restrictive pourrait s’étendre à d’autres Etats. Et puis, se mettre aux normes américaines à un coût que les producteurs français ne sont plus prêts à couvrir. » Les quantités exportées aux Etats-Unis ne cessent de baisser et sont passées de treize à cinq tonnes sur les seules quatre dernières années.

Foie gras et pâté, une petite place dans la valise ?

Les expériences à la douane sont si diverses qu’il est difficile de savoir quelles sont les règlementations sur ces produits. Les Etats-Unis entretiennent le flou à l’image du site gouvernemental CBP (Customs and Boarder Protections), sur lequel on peut lire dans la section des aliments autorisés à la douane : « Foie gras, si cuit et conservé dans un conteneur fermé hermétiquement : peut-être. Sinon, non. » Alejandra Scaffa, au Department of Homeland Security, est catégorique : il n’est pas interdit de prendre du foie gras dans ses bagages, à condition bien sûr de le déclarer. Attention, le foie gras doit être dans une boite de conserve ou un pot en verre hermétiquement fermé.

« Il doit s’agir d’un foie gras vendu dans le commerce. Le foie gras fait maison et qui ne respecte donc pas toujours les règles d’hygiène est formellement interdit. L’agent douanier doit pouvoir être en mesure de voir sur la boîte qu’il s’agit d’un produit de longue conservation, comme le sont tous les foies gras vendus en grande surface. » Il n’y a pas de limites sur la quantité de foie gras qui peut être placée dans les bagages « Il n’existe pas de chiffres précis, mais vous devez pouvoir justifier que vous le ramener uniquement pour votre consommation personnelle », poursuit-elle. Même règles pour n’importe quel pâté français, autorisé dans les valises à condition qu’il n’y ait pas de bœuf dans la composition. Dans le cas où un douanier confisque votre boîte de foie gras, il est recommandé de parler au superviseur, qui sera lui plus au courant des lois.

En cas de non-déclaration à la douane, que risque-t-on ?

Un foie gras caché dans ses chaussettes ne vous amènera pas en prison. Lorsque des douaniers soupçonnent un voyageur d’avoir dans ses bagages un produit alimentaire non déclaré, ils sont dans l’obligation de lui laisser une chance de déclarer oralement ses aliments. Si ce voyageur s’exécute et que les produits sont autorisés, rien ne sera saisi et il n’y aura pas d’amende. Dans le cas où le voyageur déclare par écrit ou oralement des produits non-autorisés, les aliments seront saisis avant d’être détruit, mais le voyageur ne payera aucune amende. Mais si un voyageur « oublie » de déclarer un produit alimentaire non-autorisé, l’amende oscillera entre 175 et 300 dollars, affirme Alejandra, superviseur agricol pour le Department of Homeland Security, s’il s’agit d’une quantité raisonnable. « Honesty is the best policy« , répète-elle.

Les accords de libre-échange pourraient changer la donne

Les différentes règles d’hygiène ajoutées aux conflits diplomatiques et au protectionnisme américain rendent difficile voire impossible l’exportation de certains produits phare de la gastronomie française. Les négociations de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis pourraient aboutir à la création d’un grand marché transatlantique aux réglementations uniformes. Si certains produits français pâtiraient fortement de la concurrence de leurs équivalents américains (poulet, maïs, etc.), la France pourrait profiter de cette ouverture pour mieux exporter ses aliments emblématiques. Le gouvernement français à d’ores et déjà assuré qu’il s’attacherait à faciliter les normes et baisser les droits de douanes pour les aliments phare de sa gastronomie.

Ainsi, la crème chantilly made in France pourrait refaire son apparition aux Etats-Unis. En 2000, les Etats-Unis ont, sans prévenir, changer les réglementations autour de l’importation de produits laitiers. Quatre cent cinquante pages de texte qui régissent jusqu’au diamètre des tuyaux qui doivent être utilisés dans les usines de fabrication des produits laitiers semi-liquides. Les investissements pour s’homologuer étant trop important, aucune usine française ne s’est mise aux normes américaines. D’où l’absence aujourd’hui de chantilly, mais également de yaourts faits en France dans les rayons des supermarchés américains.

Outre les produits laitiers, le prochain gros enjeu pour la France est l’exportation de ses viandes bovines et ovines. L’embargo américain date de 1997, année de la crise de la vache folle. Si l’épidémie a depuis été enrayée, la restriction dure. L’agence américaine d’inspection vétérinaire (Animal and Plant Health Inspection Service) a donné en 2012 un avis favorable à la reprise des exportations de viande française. Un embargo qui pourrait là encore prendre fin avec les accords de libre-échange.

Que peut-on emporter dans sa valise ?

Autorisés

– Pâtisseries, bonbons, chocolats
– Fruits secs : dates, figues, prunes, raisins, abricots.
– Produits laitiers : uniquement s’ils sont à destination des enfants et en faible quantité
– Vinaigre, huile, miel, moutarde
– Vins, à condition d’avoir au moins 21 ans. Pas de limites sur la quantité que l’on peut ramener. Mais au-delà d’une caisse,
les douaniers seront suspicieux.
– Liqueur et autres alcools, mais au-delà d’une bouteille, vous serez plus ou moins taxé selon l’Etat où vous passez la douane
– Fraise, framboise, citron, mûre
– Romarin, estragon, fenouil

Non-autorisés

– Bouillon cubes, sachets de soupe avec de la viande
– Pieds de vignes déstinés à la plantation
– Lait et produits laitiers liquides (crème, lait concentré) ainsi que les produits laitiers fermentés (yaourts)
– Ovo-produits
– Produits carnés à base de viande bovine ou de viande ovine
– Fruits et légumes frais autres que ceux précédemment cités dans la catégorie « Autorisés »