French Connection

San Francisco, francophone et francophile

Omniprésente à San Francisco, la communauté française se porte bien. La ville et sa baie comptent quelque 40 000 Français, un French Quarter aux racines historiques profondes et des francophiles à tous les coins de rue.
© Maarten van den Heuvel

San Francisco, qui défend jalousement ses valeurs de tolérance et de diversité culturelle, avoue en effet un fort penchant pour tout ce qui est français. Jumelée avec Paris depuis une bonne décennie, la ville compte même un maire francophile, l’avenant Gavin Newsom, et, chaque 14 juillet, le drapeau tricolore accroché à la façade de City Hall flotte sur la ville, symbole fort de cette amitié. Au point qu’en pleine période de French bashing en mars et avril 2003, les manifestants anti-guerre brandissaient des pancartes « Merci la France » en guise de message anti-Bush, certains allant même jusqu’à déposer des gerbes de fleurs devant le consulat de France ! Parmi les Français fortement implantés dans la région, on compte les stars de la high tech comme Jean-Louis Gassée (ancien dirigeant d’Apple, fondateur de Be Inc. et de PalmSource) ou Pierre Haren (le patron de Ilog) et les myriades d’ingénieurs appréciés pour l’excellence de leur formation made in France.

Mais les Français sont également bien représentés dans le monde de la finance (Bank of the West, par exemple, une filiale du groupe BNP-Paribas), ainsi que dans toutes les activités liées au tourisme et à la restauration. Le site du San Francisco Chronicle, le quotidien local, recense ainsi plus de 50 restaurants français dans la seule ville de San Francisco, et sur la liste des 100 meilleurs restaurants de la région, établie chaque année par le critique gastronomique Michael Bauer, neuf sont français. Chercheurs et étudiants de l’Hexagone se retrouvent également dans les grands centres universitaires de la région que sont Stanford et Berkeley.

« On assiste à une croissance continue des effectifs de la communauté française de la région », constate Frédéric Desagneaux, consul général de France à San Francisco. « Depuis 2004, tous les indicateurs sont à la hausse avec le retour de la croissance économique après l’éclatement de la bulle Internet en 2000 qui avait fait partir un certain nombre de Français. C’est une communauté active, très jeune, souvent binationale et très diverse, à l’image de la ville et de sa région, même si on évalue à près de 8 000 le nombre de Français qui travaillent dans des emplois liés aux technologies. »

Cette communauté diverse se retrouve dans un certain nombre d’associations dont le but est de marquer l’appartenance à la communauté française, à une communauté culturelle particulière. André Fournier, président du Comité officiel, est chargé d’encourager les relations entre la cinquantaine d’associations de langue française que compte la région : associations historiques comme La Gauloise ou La Ligue Henri IV, regroupant les héritiers des premières vagues d’immigration française à San Francisco, association d’anciens combattants, club basque, divers clubs de pétanque ou encore les anciens d’HEC. Sans oublier la toute nouvelle association Baie Area Ultra Marine, fondée pour promouvoir les échanges entre la Californie et l’Outre-mer français. André Fournier évoque la nécessité de rajeunir les associations pour insuffler une énergie nouvelle à cette vie associative.

L’historienne Annick Foucrier, auteur de Le rêve californien : Migrants français sur la côte Pacifique (XVIII-XXe siècles), rappelle l’ancienneté de la présence française, qui remonte à la ruée vers l’or. Selon elle, ils étaient entre 20 à 25 000 Français à participer à cette épopée des pionniers. Plusieurs milliers se seraient installés à San Francisco dans ce qui était considéré à l’époque comme le quartier français, délimité par les rues Pine, Jackson, Dupont (célèbre rue du quartier chinois aujourd’hui appelée Grant), Washington et Filbert. Ces Français – restaurateurs, hôteliers, blanchisseurs, artistes et comédiens – alimentent les nouveaux émigrants en articles de première nécessité. La ville recense à l’époque une importante communauté d’Aveyronnais, de Basques et de Béarnais. Après 1871 et l’annexion de leur région, les Alsaciens et les Lorrains viendront en grand nombre.

« Les Français ont été présents à San Francisco depuis ses origines », écrit l’historienne. « Ils ont accompagné la croissance de la ville, avec leur art de vivre, leur gastronomie, la mode, les arts. Ils ont contribué par leur activité et leurs dons à la développer et l’embellir. Certains lieux de mémoire – l’église Notre-Dame-des-Victoires, fondée en 1856, le bâtiment de l’ancienne banque française au 110 rue Sutter, la verrière du magasin City of Paris, le Palais de la Légion d’Honneur, sont encore là pour en témoigner, mais trop peu d’habitants de San Francisco ou de visiteurs français en sont conscients. »

Le French Quarter d’Eric Klein et Olivier Azancot

Eric Klein et Olivier Azancot, deux Parisiens qui se sont rencontrés à l’école hôtelière et ont débarqué à San Francisco un peu par hasard en 1986 (leur destination était d’abord l’Australie), ont recréé un French Quarter en s’implantant sur Belden Place, petite allée à quelques blocs du consulat, au cœur du quartier financier. Tout commence en 1990 avec l’ouverture du Café Bastille (« Nous avons fait 45 couverts le premier jour, contre 400 à 500 en moyenne aujourd’hui », rappelle Olivier), de son voisin, le restaurant de fruits de mer Plouf, en 1996, et enfin du B 44, un bar à tapas catalan en 1998.  Aujourd’hui le duo est propriétaire de six restaurants et bars de la ville ainsi que du Café du Commerce dans le 15e arrondissement de Paris, en partenariat avec des amis et anciens employés.