Sébastien Pourrat, un “self-made” chef à New York

Dans l’ombre des médiatiques chefs français expatriés aux Etats-Unis, Sébastien Pourrat s’est bâti en quatre ans un restaurant et une réputation à New York. Portrait d’un restaurateur téméraire.

Arrivé sans le sou aux Etats-Unis, avec fourchette et sac à dos, Sébastien Pourrat est aujourd’hui un chef comblé. Ce natif des environs de Bordeaux a ouvert il y a deux ans et demi Cocotte, un restaurant qui propose une cuisine du Sud-Ouest raffinée. “La cuisine française à New York, c’est en fait celle de la Provence. C’était un défi de cuisiner des plats qui ne sont pas ceux qui l’on trouve régulièrement sur la carte des restaurants français de la ville”. Au menu de Cocotte, situé sur Thompson Street, dans le quartier chic de Soho, on trouve du foie gras bien sûr, mais aussi du merlu à la plancha et des rillettes de canard, le tout servi dans des petites… cocottes.

Des plats qui ont attiré la curiosité du célèbre chef Eric Ripert et de Georges Sape, président de l’American Friends of the Cité des Civilisations du Vin (AFCCV), tous deux membres du comité d’organisation du dîner des “chefs du 934”. Cet événement, organisé quatre fois par an par le consulat de France à New York, met en avant des talents gastronomiques français, qu’ils soient chefs ou vignerons. Eric Ripert et le consul de France à New York, Bertrand Lortholary, se sont rendus à deux reprises chez Cocotte pour goûter la cuisine de Sébastien Pourrat. Conquis par ses plats, ils ont convié le jeune chef français à concoter un menu spécial le 25 mars dernier au consulat. “Un coup de pouce évident” pour le chef arrivé aux Etats-Unis avec la simple idée “de voir autre chose, de prendre un risque”.

Le dur apprentissage de New York

En France, Sébastien Pourrat a travaillé dans plusieurs établissements à Paris durant dix ans, mais n’avait jamais essayé d’ouvrir son propre restaurant. “Ma femme travaillait entre Paris et New York,  j’étais déjà venu plusieurs fois ici. C’est une ville qui me questionnait. J’étais sur le trottoir d’en face, et je voyais les gens courir, et je me disais, ‘j’aime bien courir moi aussi’. Un jour, j’ai pris mes valises, et j’ai dit à ma femme ‘on quitte Paris’”.

Sa méconnaissance de la ville et de la culture américaine ont d’abord été un frein à son rêve américain. Et devant l’impossibilité de trouver des investisseurs, le Français a dû piocher dans ses économies. “J’ai appelé ma maman ! Et j’ai tiré tous les budgets au plus bas possible. L’architecte est un ami d’enfance du Sud-Ouest. C’est lui qui m’a recommandé un de ses amis pour la construction”. Et c’est sur le site Craigslist, “à trois heures du matin”, que le chef a trouvé son emplacement.

Sur le chantier, le cuisinier s’est coupé un doigt. “J’en ai profité pour découvrir la situation d’un non-assuré aux Etats-Unis, où quatre points de suture coûtent $3 000”. Sans regret et fier de son parcours du combattant, Sébastien Pourrat est convaincu que ses deux premières années de galère l’ont aidé à dompter la ville. “Si j’étais arrivé avec deux millions de dollars et que j’avais ouvert mon restaurant très rapidement, je ne serai pas là où j’en suis aujourd’hui. J’ai appris à connaître la ville”.

Inauguré quatre jours avant l’ouragan Sandy, le restaurant a survécu à la tempête et à sa première année d’existence, la plus fatale dans la restauration à New York. Sa cocotte est d’acier.

Restaurant Cocotte : 110 Thompson Street, New York, NY 10012, 212-965-9100