Iconic: The Espadrilles

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Jadis chaussure ouvrière avant de se retrouver aux pieds des franquistes, cette sandale de corde et de toile a séduit les excentriques comme Salvador Dalí, les créateurs de mode comme Yves Saint Laurent et depuis quelques années, les enseignes de luxe et le prêt-à-porter.

Elémentaire et bon marché, l’espadrille a longtemps été taxée de soulier du pauvre. Le Pays Basque et la Catalogne se disputent son invention. Des historiens affirment que les fantassins du roi Pierre II d’Aragon en étaient déjà équipés au XIIIe siècle. La fabrication française n’apparaît qu’au XVIIIe siècle dans le Béarn et le Pays Basque, assurée par des tisseurs de chanvre pour les semelles et par des couturières pour la toile de lin fermant la chaussure. La sandale équipe tour à tour les paysans, les prêtres et les mineurs.

Au XIXe siècle, le siège de la production française s’est solidement implanté dans la commune française de Mauléon située dans les Pyrénées-Atlantiques. Les espadrilles sont produites en masse et toujours à la main. Pour répondre à une demande croissante, des jeunes femmes arrivent des vallées aragonaises pour les fabriquer. On les surnomme les “hirondelles”. A cette époque, l’espadrille ne se porte que de deux façons : en blanc le dimanche, en noir le reste de la semaine. Par un décret royal, l’Espagne du général Franco impose son port à l’infanterie en 1936. Les soldats sont envoyés au front… en espadrilles.

Les cordes du succès

Au lendemain de la guerre, de nombreux modèles se dotent d’une semelle en gomme. Cette innovation la transforme en chaussure de loisir et la mode s’en empare. En 1971, pour accessoiriser sa collection inspirée des années 1940, Yves Saint Laurent a l’idée d’une espadrille à talons compensés et rubans à nouer délicatement sur la cheville. Les Catalans Isabel et Lorenzo Castañer les lui fabriquent, donnant ainsi ses lettres de noblesse à la chaussure.

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John F. Kennedy en 1938.

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Cary Grant et Grace Kelly en 1955. © Alamy

Parfois surnommée la Tropézienne, en raison de sa popularité sur la Côte d’Azur, elle devient synonyme de villégiature. Erigée en icône balnéaire, entre autres aux pieds de Françoise Sagan, Lauren Bacall et Pablo Picasso, elle dame le pion à la tong qui a bien du mal à sortir des échoppes du bord de mer. L’espadrille s’exporte dans le monde entier et on ne compte plus les personnalités posant avec ces sandales aux pieds : Humphrey Bogart, Cary Grant, Pablo Picasso, Ernest Hemingway ou Salvador Dalí.

Un symbole bohème chic

Partie de peu, devenue branchée sans perdre un iota de sa simplicité, l’espadrille contemporaine n’est pas si éloignée de celle que portaient autrefois les paysans, à une différence près : plus besoin d’enduire la corde de goudron pour qu’elle s’use moins vite. Dans les années 1970, les hippies ajoutent l’espadrille à leur panoplie de bijoux tibétains, foulards indiens, henné et patchouli.

Aujourd’hui les marques de luxe, de Hermès à Chanel en passant par Christian Louboutin ou Louis Vuitton, ont pris le relais et proposent leurs propres modèles made in France. Brodée de dentelle chez Valentino, parée d’imprimés léopard grâce à Céline ou en toile bicolore griffée du fameux double C de Chanel, l’espadrille est aussi revisitée par des marques authentiques comme Castañer, Rivieras et des labels comme Espartine, String Republic ou Asos.

Alors que la mode actuelle est au retour de la tendance hippy chic des années 1970 (on ressort pour l’occasion les paniers d’osier à la Jane Birkin), l’espadrille n’a pas fini d’arpenter les plages comme le bitume. Cet été, les Parisiens opteront pour un modèle “marinière” déniché au Bazar de l’Hôtel de Ville dans le Marais ou aux Galeries Lafayette, tandis que les New-Yorkais pourront faire leur marché chez Macy’s ou chez Bloomingdale’s, qui propose depuis plus de dix ans de luxueux modèles aux imprimés fluos et lacets satinés.

Longtemps raillée par les snobs, l’espadrille s’est taillée une place de choix dans les vestiaires féminins et masculins. Au fond, rien de tel qu’une bonne vieille paire d’espadrilles à dix euros pour parfaire un costard de lin porté en toute décontraction sur la Croisette.


Photo en couverture : © Ainarak


Article publié dans le numéro de mai 2017 de France-Amérique