Depuis le début des années 90, il est impossible d’acheter des voitures françaises aux Etats-Unis. Les échecs, nombreux, des constructeurs français sur le marché américain n’ont pourtant pas entamé l’ambition de Peugeot Citroën et Renault. Et si, d’ici à 2020, on pouvait arpenter la Route 66 au volant d’une Laguna, d’une DS ou d’un Scénic ?
Dimanche s’est achevé le plus grand salon de l’automobile du monde, à Detroit. Pendant treize jours, les grands constructeurs mondiaux de voitures ont présenté leurs nouveaux modèles, avant leur commercialisation sur le marché américain. Un seul pays majeur de l’industrie automobile manquait à l’appel, la France. Une absence passée plutôt inaperçue, la France ne vendant plus de voitures aux Etats-Unis depuis le début des années 90. Comment expliquer que Fiat, Volkswagen et Toyota soient présents sur le marché américain et pas Renault, Peugeot ou Citroën ? Ces trois grandes marques françaises ont pourtant toutes, à un moment donné, vendu des voitures aux Etats-Unis.
Renault, un regrettable coup de frein sur le marché américain
A la fin des années 40, Renault s’est lancé sur le marché américain avec la 4CV et connu des ventes satisfaisantes grâce au coût faible de ce véhicule qui ne dépassait pas les 80 km/h. Alors que ses ventes restent assez anecdotiques, la marque française réalise un gros coup en 1979, avec l’achat de l’un des plus importants constructeurs américains de l’époque, AMC, détenteurs de la célèbre marque Jeep mais en perte de vitesse. Renault embraye une stratégie payante et commence à concevoir des modèles ciblés pour les consommateurs américains qui ne se vendent pas en Europe. Plusieurs modèles connaissent le succès aux Etats-Unis comme la Premier, l’Alliance ou l’Encore. Dans les années 80, la cote de Renault explose auprès des investisseurs américains après l’ouverture de la Bramalea Assembly dans l’Ontario, la plus moderne des usines d’assemblage d’Amérique du Nord de l’époque.
Le gouvernement américain est responsable du premier ralentissement de Renault aux Etats-Unis. Le Pentagone n’apprécie pas qu’une société étrangère – qui plus est partiellement propriété du gouvernement français – soit l’un des plus importants fournisseurs dans le domaine de la défense. Renault se trouve contraint de vendre AM General, une filiale très fructueuse d’AMC qui construisait entre autres des véhicules et des pièces automobiles pour l’armée américaine. Renault sabote définitivement ses ambitions américaines en 1987, lorsque, sous la pression des investisseurs français et du gouvernement inquiets de la situation financière très instable de l’entreprise, le constructeur revend AMC à Chrysler. Une décision catastrophique alors que la marque Jeep est à l’orée de ses meilleures années grâce au travail du constructeur français.
Renault est aujourd’hui une marque de collection aux Etats-Unis. La Renault 5 est devenu malgré elle un objet culte. Importée une première fois en 1976, ce modèle – le plus vendu à l’époque en Europe – ne s’est écoulé cette année-là qu’à 9 600 exemplaires pour près de 8 000 invendus ! Bien décidé à vendre son précieux modèle aux Etats-Unis, Renault engagea une grande agence de publicité, et commercialisa sa Renault 5 sous le nom Le Car en Amérique du Nord. La voiture s’est alors mieux vendue, mais assez peu au regard des ambitions de Renault et sera surnommée Le Flop. Ce modèle fut néanmoins utilisé par la municipalité de La Conner, une petite ville dans l’Etat de Washington, pour ses véhicules de police (voir photo diaporama).
Peugeot, sortie de route programmée
Il faut remonter à 1991 pour retrouver des voitures Peugeot sur le marché américain. La marque a commercialisé son premier modèle, la 403, en 1958. A l’époque, le constructeur avait déjà une petite renommée aux Etats-Unis pour ses voitures de sport. Peugeot était notamment le premier constructeur non-américain à remporter la course des 500 miles d’Indianapolis, en 1913. Mais les ventes de la marque au lion n’ont jamais décollé, malgré la commercialisation de la 403, 404 ou encore de la 504. C’est l’échec de la 405, son modèle phare en Europe, qui a poussé Peugeot vers la sortie de route. Alors qu’en 1986, le constructeur français avait réussi à vendre 14 336 véhicules aux Etats-Unis, tous modèles confondus, il n’en avait vendu que 4 261 en 1990. Une chute qui s’explique, selon le communiqué de presse de Peugeot de l’époque, par la guerre que se livraient les Américains et les Japonais sur le marché de l’automobile. Incapable de baisser ses coûts de production, Peugeot n’avait pas pu diminuer le prix de ses berlines et s’aligner avec la compétition.
La marque souffrait aussi d’un nombre de revendeurs trop faibles. Selon la presse, le manque de fiabilité des voitures et leur relative étroitesse par rapport aux berlines américaines et japonaises expliquent aussi le départ de Peugeot. Enfin, le design, très européen et pas adapté aux goûts des Américains, expliquerait aussi les échecs successifs des véhicules, selon les experts automobiles de l’époque. Seule satisfaction pour Peugeot, l’utilisation de sa 505 pour les taxis jaunes new-yorkais (voir photos diaporama) à la fin des années 70 ! Alors que la crise du pétrole bat son plein, les compagnies de taxis sont à la recherche de modèles à faible consommation d’essence et se tournent vers la Peugeot 504, qui roule au Diesel. Là encore, le manque de fiabilité de la voiture sera pointé du doigt.
Contrairement à Renault et Peugeot, Citroën n’a jamais eu l’ambition de conquérir le marché américain. Dès 1937, les premières Traction Avant sillonnent les routes des Etats-Unis. Durant l’après-guerre, Citroën va vendre sa 2CV, puis à partir de 1955 plusieurs modèles de DS. Des voitures bien trop chères pour les Américains et qui souffraient d’une très mauvaise fiabilité et d’un service après-vente quasi inexistant. Les nouvelles réglementations sur le design des véhicules en rapport avec la sécurité empêchèrent Citroën d’importer la plupart de ses modèles au début des années 70. La marque française quitta définitivement les Etats-Unis en 1974.
Un retour des voitures françaises d’ici 2020
Et si la DS faisait son retour sur le marché américain ? “La question de l’Amérique du Nord viendra un jour sur la table”, affirmait Yves Bonnefont, directeur général de DS en septembre dernier. Un avis que partage Carlos Tavares, patron de PSA Peugeot Citroën, qui a laissé entendre qu’un retour du constructeur automobile français est étudié… pour 2020 au plus tôt. Une pénétration du marché américain impossible tant que la marque n’obtient pas de meilleurs résultats en Europe et n’a pas les moyens de développer une stratégie à long terme pour l’Amérique du Nord avec des voitures conçues pour le marché américain, un réseau de distribution conséquent, voire même une usine d’assemblage installée au Canada ou aux Etats-Unis. A Peugeot Citroën, on ne cesse de répéter depuis quelques mois qu’il est impossible aujourd’hui d’être un constructeur mondial sans être présent aux Etats-Unis.
A Renault, on privilégie pour l’instant les pays émergents. Mais le constructeur français garde un œil sur le marché américain. Après avoir échoué en solo, la marque italienne Fiat a réussi à pénétrer le marché américain grâce à son rachat de Chrysler. Renault, actionnaire principal de Nissan, pourrait s’en inspirer et se servir de l’implantation de la marque nippone aux Etats-Unis pour vendre ses modèles. En attendant, Renault va tester très prochainement le marché américain avec la production en Corée du Sud d’un véhicule Renault qui sera commercialisé aux Etats-Unis, mais sous la marque Mitsubishi, dans le cadre d’un accord signé en 2013.
Une publicité de Renault diffusée à la télévision américaine à la fin des années 80.
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