Charlie Hebdo: “Vive la France !”, écrit Barack Obama

“Vive la France!”, a écrit Barack Obama dans un livre de condoléances à l’ambassade française jeudi à Washington. Un geste fort, à l’image des multiples messages de solidarité de l’Amérique à son alliée meurtrie par l’attentat contre Charlie Hebdo.

Cet élan de compassion de ce côté de l’Atlantique survient dans une relative lune de miel diplomatique entre Washington et Paris, côte à côte dans la lutte contre des groupes extrémistes comme l’Etat islamique en Irak et en Syrie. Et bien que les deux alliés aient des divergences sur certains dossiers, ils sont à des années lumière de leur coup de froid durant la guerre en Irak en 2003, lorsque les “French fries” avaient été rebaptisées “Freedom fries” et du vin français déversé dans les éviers sous la présidence de George W. Bush.

Son successeur Barack Obama a effectué jeudi soir une visite surprise à l’ambassade de France à Washington pour signer le livre de condoléances en hommage aux victimes de la tuerie qui a décimé l’hebdomadaire satirique français. “Au nom de tous les Américains, je fais part aux Français de notre solidarité après cette terrible attaque terroriste à Paris”, a-t-il écrit. “En tant qu’alliés à travers les siècles, nous sommes unis avec nos frères français pour nous assurer que justice soit faite”, a-t-il ajouté. “Nous avançons ensemble, convaincus que la terreur ne vaincra pas la liberté et les idéaux qui sont les nôtres, les idéaux que illuminent le monde. Vive la France!”. “C’est un geste très, très fort, exceptionnel”, a déclaré à l’AFP l’ambassadeur de France Gérard Araud. “J’ai dit au président Obama que nous étions profondément émus par les réactions des Américains (…) et par le soutien que nous avons reçu”, a-t-il ajouté sur Twitter.

John Kerry, le secrétaire d’Etat, francophone et francophile, avait donné le ton mercredi juste après l’attentat. Il avait tenu, en français, à s'”adresser directement aux Parisiens et à tous les Français pour leur dire que tous les Américains se tiennent à leurs côtés”. Le patron de la diplomatie américaine, dont une partie de la famille est française, cousin germain de l’écologiste Brice Lalonde et grand habitué de Paris, a jugé qu'”aucun pays ne sait mieux que la France que la liberté a un prix parce que c’est en France que de nombreux idéaux démocratiques ont vu le jour”.

“Nous sommes tous Français”

Quelques élus américains ont même comparé l’attentat contre Charlie Hebdo à ceux du 11-Septembre 2001 qui ont traumatisé les Etats-Unis et façonné leur politique étrangère. En écho au fameux “Nous sommes tous américains” lancé à l’époque par la presse française, le sénateur démocrate américain Dick Durbin a, en français, estimé qu'”à ce moment tragique, nous sommes tous Parisiens, nous sommes tous Français”.

Nombre de ses pairs au Congrès ont aussi exprimé leur solidarité sur le livre de condoléances accessible sur internet avec plusieurs centaines de messages. Parmi eux, des Américains anonymes. “Je n’aurais pas été libre en tant qu’Américain sans l’aide de la Francequand nous nous battions pour notre liberté”, écrit l’un d’eux, en allusion à la Révolution américaine de la fin du XVIIIe siècle appuyée par des combattants français emmenés par Lafayette. “Quand la France est attaquée, j’ai le sentiment que l’Amérique l’est également”, poursuit ce résident de Virginie, signant “Je suis Charlie”. “Nous connaissons en Amérique la rage de l’islamisme radical. Restez forts et combattez ces terroristes qui pourraient réduire en esclavage les peuples de la planète. Je me tiens aux côtés du peuple de France”, écrit un autre anonyme, concluant, en français, d’un “Liberté, Égalité, Fraternité !”.

Les médias américains se sont aussi très fortement mobilisés, avec une très grosse couverture en continu à la télévision de l’attentat et de l’enquête. Beaucoup de journalistes américains ont envoyé des messages de solidarité sur leurs comptes Twitter. Le milieu des artistes a aussi spontanément exprimé son émotion. Pour le syndicat des acteurs à Hollywood SAG-AFTRA “le droit à la liberté d’expression n’est pas seulement inscrit dans la Constitution américaine”, il est aussi “un droit de l’homme universel”.

Dans une Amérique si attachée à la liberté d’expression sans limite, mais aussi parfois très prude et ultra-sensible sur les questions religieuses, il est difficile d’imaginer une publication aussi satirique que Charlie Hebdo et des caricatures moquant le pape ou Mahomet. CNN et le New York Times ont d’ailleurs exclu de publier les unes controversées du magazine français. L’un des humoristes les plus caustiques aux Etats-Unis, la star Jon Stewart, a cependant rendu un hommage appuyé à ses pairs français: “Ces types ont été tués pour leurs dessins. Cela n’a aucun sens”.