Un avionneur français installé aux Etats-Unis me faisait récemment observer que la corruption recule partout dans le monde, y compris en France, grâce à la justice américaine.
Il y a cinquante ans, un avion français vendu en Inde impliquait le versement de commissions obscures et pots de vin divers qui coûtaient aux officiels indiens jusqu’à 20% du prix de l’appareil. Plus aucune commission n’est versée aujourd’hui, pour le plus grand bien de l’entreprise française. Les dirigeants indiens seraient-ils soudain devenus vertueux ?
En réalité, cette purification des mœurs qui rend la concurrence plus loyale est due à la peur que les magistrats américains font planer sur le monde. Le Foreign Corrupt Practices Act, une loi américaine de 1977 contre la corruption qui a récemment inspiré en France la loi Sapin 2, est appliqué avec une rigueur croissante. Il conduit en prison les dirigeants corrompus ou leur inflige des amendes qui peuvent atteindre un tiers du chiffre d’affaires de l’entreprise. En 2013, par exemple, le groupe français Total a payé 400 millions de dollars au Département américain de la justice pour avoir versé des commissions occultes à des dirigeants iraniens en échange de droits d’exploitation pétroliers.
Pourquoi un procureur américain peut-il ainsi inculper un entrepreneur français pour un acte commis en Iran ? C’est que toute transaction menée à partir du territoire américain, ne serait-ce qu’un appel téléphonique, vous fait tomber sous le coup de la loi américaine. Ou, c’est le cas le plus fréquent, toute transaction en dollars vous rend justiciable aux yeux des Américains. Or, quelle transaction dans le monde n’est-elle pas conduite en dollars ? La norme américaine est donc devenue mondiale et l’on doit s’en réjouir, parce que la corruption est la principale cause de stagnation dans les pays pauvres et d’inégalité dans les pays riches.
Le seul risque est que Donald Trump, sous l’influence des pétroliers américains en particulier, s’en prenne à cette loi de 1977 et invoque la corruption comme outil de marketing. Mais cette loi de 1977 est maintenant intégrée à de nombreuses conventions internationales et je doute que le Sénat l’annule.