Le menu dégustation à 325 dollars et les plats garnis de feuilles d’or ont fait la réputation d’Atelier Crenn. La restauratrice française Dominique Crenn se tourne aujourd’hui vers quelque chose de plus simple. Son nouveau restaurant, Bar Crenn, qui ouvrira à San Francisco le 20 février, servira les classiques de la gastronomie française.
Dans l’épisode que lui consacre la série de Netflix Chef’s Table, Dominique Crenn détaille ce qu’elle appelle la “poésie culinaire”. A l’écran, un plat baptisé “A Walk in the Forest” prend forme : meringue aux aiguilles de pin et aux feuilles de menthe, champignons et mûres, le tout servi dans une assiette en écorce. Un lyrisme et une audace qui ont valu à la Française deux étoiles au Michelin et le titre de “Meilleure cuisinière du monde”.
Elevée en Bretagne par un père politicien et une mère gastronome, la jeune Dominique se rêvait photographe. Refusée par l’école Louis-Lumière à Lyon, elle s’inscrit en économie à Paris. En 1998, elle s’installe à San Francisco et se fait engager dans la brigade de Jeremiah Tower au restaurant Stars, l’un des pionniers avec Chez Panisse du mouvement farm-to-table californien. “J’ai commencé à faire ma propre cuisine”, se souvient la Française. “Je n’ai suivi aucune formation culinaire. C’est la raison pour laquelle je suis tant attirée par les classiques : je n’ai jamais appris à les faire, sauf en grandissant, avec ma mère et ma grand-mère.”
Les classiques, la technique et la tradition. Ce sera le fil conducteur de Bar Crenn, troisième restaurant de Dominique Crenn. Avec vingt-six couverts et une sélection de vins biodynamiques français et californiens, cet espace à la décoration inspirée des Années Folles ouvrira sur Fillmore Street à San Francisco le 20 février prochain.
France-Amérique : En quoi Bar Crenn sera-t-il différent de vos deux premiers restaurants ?
Dominique Crenn : Si Atelier Crenn est une maison et Petit Crenn un cabanon de jardin, Bar Crenn sera un salon. Atelier Crenn, c’est mes rêves, ma poésie et la manière dont je vois le monde. Petit Crenn, c’est mon hommage à la culture bretonne, aux produits de la mer et aux plats de mon enfance. Bar Crenn, c’est mon hommage à la gastronomie française.
Vous passez de la cuisine moléculaire, élaborée à partir d’azote liquide, aux “classiques de la gastronomie française”. Pourquoi ce grand écart ?
Ces dernières années, le public s’est détourné de la gastronomie française. Même la cuisine de bistro, que l’on mange dans toutes les grandes villes américaines, n’est plus représentative de la culture française. Je souhaite rendre hommage aux maîtres qui ont fait de la gastronomie française un art international. A Bar Crenn, je cuisinerai quelques classiques « à la Dominique » — le pot-au-feu, le soufflé, l’île flottante, les cannelés de Bordeaux ou encore la tarte Tatin de ma maman —, mais aussi trente-cinq recettes que m’ont donné de grands chefs.
Votre restaurant devient la vitrine de la cuisine d’autres chefs. Quelle est l’origine de ce concept ?
En septembre dernier, j’ai fait partie d’un groupe de 180 chefs invités à cuisiner à l’Elysée par Emmanuel et Brigitte Macron. Dans les cuisines du palais, j’ai fait remarquer à Guillaume Gomez, le chef résident, qu’il cuisinait beaucoup de plats traditionnels. “Oui, c’est ce qu’on fait ici à l’Elysée”, a-t-il répondu. C’est alors que m’est venue l’idée de Bar Crenn : j’ai demandé aux grands chefs d’apporter une recette à mon menu. Au fil des saisons et de l’arrivage des produits, je servirai les quenelles de brochet à la sauce Nantua d’Alain Ducasse, la soupe aux truffes noires de Paul Bocuse, les trois œufs mimosas d’Eric Fréchon ou encore les huîtres en nage glacée de Guy Savoy. Les plats seront simples dans l’assiette, mais complexes dans leur réalisation.
Bar Crenn
3131 Fillmore Street
San Francisco, CA 94123
(415) 440-0460
www.barcrenn.com