La cinéaste Agnès Varda, figure emblématique de la Nouvelle Vague, a parcouru la France avec l’artiste JR, connu pour ses photos géantes en noir et blanc placardées dans les lieux publics. Un road movie poétique qui a reçu le prix du meilleur documentaire au festival de Cannes et sortira en salles aux Etats-Unis le 6 octobre.
“Partir ! T’es partante ?”, demande JR à Agnès Varda au début du film alors qu’ils discutent de leur envie de travailler ensemble. “Ah oui, je suis toujours partante si on va vers des villages, vers des paysages simples, vers des visages”, lui répond-elle de son ton caractéristique. Le concept est lancé : il va s’agir, pour leur première collaboration, de sillonner les routes de France, de s’arrêter dans des lieux qui les touchent et d’y faire des rencontres. Un projet singulier mené par un tandem de choc. Agnès Varda est l’une des dernières représentantes de la Nouvelle Vague. De La Pointe Courte en 1954 aux Plages d’Agnès, son dernier film, elle a bâti, sa vie durant, une œuvre éclectique à la frontière du documentaire et de la fiction. JR est une star de l’art urbain, connu pour avoir affiché en 2007 d’immenses portraits d’Israéliens et de Palestiniens sur le mur de séparation en Cisjordanie et, plus récemment, sur la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique.
Les voilà donc qui s’embarquent dans le camion “photographique” de JR pour un road-trip improvisé qui va les mener du Nord du pays aux Alpes-de-Haute-Provence. Mais attention, c’est un camion très spécial : les gens sont invités à y entrer comme dans un photomaton. Leurs portraits photos en sortent, quelques secondes après, imprimés en format géant. A chaque étape, des anonymes — villageois, ouvriers, paysans —, se prêtent à la magie de ce studio ambulant. Les tirages sont ensuite collés sur les façades de leurs maisons, les murs d’une usine, la citerne d’un château d’eau ou les containers d’une zone portuaire.
Grâce à ce dispositif, les deux artistes vont, au gré de leur inspiration, redonner vie à Pirou, un village abandonné de La Manche, célébrer le postier de Bonnieux dans le Vaucluse, ériger des totems en hommage aux épouses des dockers du Havre… A un garagiste qui les interroge sur l’objectif de leurs installations, Varda répond : “C’est le pouvoir de l’imagination. On se donne le droit d’imaginer des choses et de demander aux gens : est-ce qu’on peut faire notre imagination chez vous ?” Au-delà du geste artistique, les rencontres qu’ils provoquent sont souvent émouvantes, comme cette femme dans le Nord, ultime habitante d’un village minier qu’elle refuse de quitter ou cet ouvrier qui, interviewé dans son usine la veille de son départ à la retraite, exprime son sentiment d’être “au bord d’une falaise”.
A l’image, Agnès Varda et JR forment un duo de comédie, se taquinant sans cesse et riant de leurs différences. Lui, le trentenaire à l’allure dégingandée, elle la petite ronde approchant les 90 ans. Ils ont 55 ans d’écart et des manies de vieux couple ! Il ironise sur sa fameuse coupe de cheveux bicolore. Tandis qu’elle lui reproche de ne jamais vouloir enlever ses lunettes noires. Mais leur différence d’âge va, peu à peu, apporter davantage qu’un sujet de plaisanteries. Au fil du voyage, leur amitié s’étoffe et Varda se confie à JR : elle lui parle, sans pathos, de sa vue qui s’étiole, du temps qui lui reste, de la disparition de ses proches comme le cinéaste Jacques Demy, son mari ou son ami, le photographe Guy Bourdin dont JR ira coller le portrait agrandi sur le blockhaus d’une plage déserte. Une image éphémère que la marée emportera au petit matin…
La bande annonce :