Le champagne a coulé à flots entre deux salves d’applaudissements au Café Tallulah dans l’Upper West Side à New York dimanche. C’est là que les expatriés et des touristes français ont célébré l’élection du nouveau président, Emmanuel Macron.
Plus d’une centaine de personnes se sont rassemblées dans le sous-sol du restaurant pour assister à la fête organisée par En Marche ! New York, la cellule locale du mouvement lancé par Macron en avril 2016. Le centriste Macron a remporté les élections avec 66,1% des suffrages (95% dans la circonscription de New York).
Florent Joly, fondateur de la section locale n’a pas caché son soulagement — même si les sondages avaient prédit la victoire de Macron contre son adversaire Marine Le Pen du Front national, le parti d’extrême-droite, qui a séduit 33,9 % des votants. “La semaine dernière, j’ai très mal dormi, je me réveillais toutes les heures”, déclare Florent Joly, 27 ans.
Les partisans de Macron étaient particulièrement nerveux sur la situation de la France à la lumière du Brexit et de l’élection de Trump. Pour une grande majorité d’expatriés, la menace d’un effet Trump transatlantique ou l’éventualité d’un Frexit planait sur le résultat de cette élection sans précédent — aucun des candidats issus des partis traditionnels de la droite ou de la gauche ne s’étant qualifié pour le deuxième tour. “Il reste beaucoup de travail à accomplir pour rassembler le peuple de France”, affirme Marine Boudeau, développeuse web d’En Marche. “Ce score de près de 34% réalisé par le Front national est encore trop élevé.”
Florent Joly, qui a fait du porte-à-porte à New York pour En Marche depuis le mois d’août, a affirmé qu’il ne pouvait pleinement savourer le moment. Se définissant lui-même comme “anxieux”, il est réservé quant à l’avenir du mouvement une fois la pression de l’élection retombée. “J’espère que ce que nous avons accompli va perdurer, dit-il. Espérons que cette révolution va faire des émules dans d’autres pays. Mais aussi que son électorat ne va pas se reposer sur ses lauriers.”
Marine Le Pen a fait une déclaration où elle a reconnu sa défaite quelques minutes après l’annonce des résultats. Cantonnée à son habituel discours “La France d’abord”, elle a déclaré que son parti allait changer de nom afin de “créer une nouvelle force politique”.
Au Tallulah Café, c’est un sentiment de soulagement qui dominait. Jacqueline Traoré, 23 ans, nous a dit que l’élection de Marine Le Pen aurait sonné le glas de sa double nationalité franco-malienne. Au lendemain des attaques terroristes qui ont frappé l’Hexagone, Le Pen avait proposé de changer la législation, les citoyens binationaux extra-européens auraient été forcés de choisir une nationalité unique.
“Cela raffermit mon sentiment d’appartenance au pays. Je me sens toujours la bienvenue”, déclare Jacqueline Traoré, qui a fait l’essentiel de ses études dans des établissements français, et est sur le point d’obtenir son diplôme de journalise à New York University.
Outre la politique, certains expatriés, à l’image d’Yves Le Maout qui travaille pour une start-up à New York, sont impatients de voir dans les faits la vision pragmatique de Macron d’une économie plus globalisée. Macron, qui a été banquier d’affaires avant d’être ministre de l’Economie du président François Hollande, poste dont il a ensuite démissionné, a l’intention de réformer le système des retraites et l’impôt, et de promouvoir l’entreprenariat en France.
Dans le même temps, la direction d’En Marche ! New York compte bien ne pas s’arrêter sur sa lancée. Joly envisage de poursuivre les efforts de la branche locale en vue des prochaines élections législatives de juin, lorsque les électeurs retourneront aux urnes pour élire les 577 députés qui composeront la 15e Assemblée nationale de la Ve République. Les expatriés résidant aux Etats-Unis et au Canada vont scruter avec attention l’élection du député qui représentera les électeurs de la circonscription de l’Amérique du Nord. Frédéric Lefebvre occupe la fonction depuis 2013.
“Que va-t-il se passer ensuite ?” se demande Tristan de Terves, qui dirige une société de conception marketing dans le quartier de Williamsburg à Brooklyn. “Quel avenir pour le Parti socialiste ? Est-ce sa fin annoncée ? Et qu’en est-il du parti de centre-droit ? Vont-ils pleinement soutenir Macron ?”
Tandis que le brunch électoral s’achève, une vingtaine de personnes s’attarde au Café Tallulah. A 22h45, heure de Paris, Emmanuel Macron apparaît devant la pyramide de verre du Louvre, d’où il prononce le discours de la victoire. Pour Florent Joly, cette ligne d’arrivée provisoire n’est que la première foulée d’un marathon qui va durer cinq ans. “Ce n’est que le début”, conclut-il.
Alexander Gonzalez est étudiant en Master “Magazine Journalism” à New York University.