Avant d’être un objet de collection, ce foulard en soie aux imprimés cartographiques était utilisé par les aviateurs alliés de la Deuxième Guerre mondiale qui le dissimulaient sous leur col afin de s’orienter en territoire occupé.
En 1939, les services secrets britanniques créent une organisation secrète, le MI9, chargée de donner aux pilotes de la Royal Air Force opérant au dessus de l’Allemagne et des territoires occupés les moyens de s’évader. Un attirail ingénieux d’objets est alors développé sous l’impulsion de l’officier Christopher Clayton Hutton, lui-même ancien pilote de la Royal Air Force durant la Première Guerre mondiale, employé en tant que “théoricien des subterfuges” dans la section 9 de la direction du renseignement militaire.
Surnommé “Clutty”, il inspira le personnage fictif Q, inventeur des célèbres gadgets de James Bond dans la série littéraire créée par Ian Fleming. Parmi ses trouvailles figurent des bottes à talons creux où l’on cachait des objets, des porte-cigarettes télescopes, des boîtes à cigarettes à double fond et des boussoles miniatures qui se cachaient dans un stylo, un crayon ou un bouton de veste. Un autre de ces gadgets, moins connu, est le foulard dit “d’évasion”, un morceau de tissu représentant les cartes des théâtres d’opérations sur lesquels étaient envoyés les pilotes afin de les renseigner sur leur zone d’intervention.
Cette carte comprend les zones d’occupation et les zones libres avec le tracé des routes, des voies de chemin de fer, des points de passage et l’échelle de grandeur. La plupart de ces cartes représentent le territoire français, l’Allemagne et l’Italie. Imprimée d’abord sur de la soie, puis sur de la rayonne, la carte se dissimule facilement sous les vêtements ou se noue autour du cou. Contrairement aux cartes traditionnelles en papier, elle se déploie en silence, résiste à l’eau et à l’usure.
Au cou des Américains pour le D-Day
Après l’entrée en guerre des Etats-Unis, les officiers du renseignement américain créèrent à leur tour une unité de renseignement appelée MIS-X qui produisit des cartes en tissu pour les troupes aéroportées. Des foulards d’évasion furent ainsi distribués aux unités de parachutistes américains quelques jours avant le Débarquement en Normandie. Ils étaient généralement remis aux combattants avec une boussole de la taille d’une pièce d’un centime et une petite lime capable de scier des barreaux.
L’usage des foulards d’évasion a perduré après la guerre. Les créateurs français de la marque de vêtements Bonhomme, passionnés de vêtements d’époque, ont mis la main sur deux stocks de ces foulards en parfait état, issus de l’armée britannique. L’un date de la Deuxième Guerre mondiale, l’autre des années 1950-60, en pleine Guerre Froide. Les créateurs ont eu la bonne idée de les reconditionner en leur ajoutant un petit ourlet afin qu’ils ne s’effilochent pas, une griffe au nom de leur entreprise (Bonhomme) et un point de bourdon.
Mis en vente sur leur site internet, ils sont livrés dans une boîte bleu nuit contenant une note relatant l’histoire des foulards d’évasion. Une aubaine pour les collectionneurs de militaria car ces foulards sont de plus en plus rares.
Article publié dans le numéro de février 2018 de France-Amérique.