Le documentaire, qui entend éclairer sur l’idéologie salafiste et montrer l’horreur de l’application de la charia au quotidien au Sahel, a fait polémique en France où il a été respectivement interdit aux moins de 18 ans, puis au moins de 16 ans. Il sera diffusé en salles à New York et à Los Angeles, jusqu’au 4 février.
Réalisé par le journaliste franco-mauritanien Lemine Ould Mohamed Salem et par le réalisateur français François Margolin, Salafistes a divisé l’opinion en France. En cause notamment, le fait qu’il donne la parole à des chefs politiques d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et des autorités religieuses salafistes. Des entretiens entrecoupés d’images de propagande et de vidéos jihadistes, d’images amateurs filmées lors des attentats du 11 Septembre 2001 et de l’attaque contre Charlie Hebdo, sans voix off ni commentaires. Entretien avec le coréalisateur du film, François Margolin.
France-Amérique : Quel est l’objet de votre documentaire ?
François Margolin : Le salafisme est une tendance minoritaire au sein de l’Islam. Cette idéologie, qui prône un retour aux pratiques en vigueur à l’époque du prophète Mahomet, est en pleine croissance. Ces dix dernières années, elle s’est répandue en Syrie, en Irak, mais aussi en France, en Allemagne et aux Etats-Unis. Nous souhaitons montrer que les terroristes qui perpétuent des attentats ne sont pas des fous, mais des gens animés par des convictions.
Avec les attentats de Charlie Hebdo, le terme “salafiste” est apparu en une des journaux et il est devenu encore plus urgent d’en parler. Dans ce documentaire, on voit pour la première fois les leaders salafistes expliquer ce qu’ils ont en tête, quels types d’attentats ils veulent organiser ou comment ils comptent transformer la société.
J’avais déjà rencontré certains leaders d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique lors du tournage de mon film L’Opium des talibans en 2000. Mon coréalisateur mauritanien avait des contacts sur place. Nous étions les mieux placés pour discuter avec ces gens, parfois très difficiles à atteindre et à faire parler.
Pourquoi cherchez-vous à expliquer le salafisme ?
Les familles des victimes des attentats ont besoin de comprendre les motivations des terroristes mais elles se retrouvent souvent confrontées à une absence de raisons. Manuel Valls, après le 13 novembre 2015, avait assuré qu’ “expliquer, c’est déjà vouloir excuser”. C’est idiot : autant supprimer l’enseignement de l’histoire et de toutes les sciences !
Il ne s’agit pas de justifier les attentats, mais d’expliquer pourquoi des personnes ont décidé de tuer de façon aveugle des New-Yorkais (parce qu’ils étaient employés de banque dans l’immeuble du World Trade Center) ou des Parisiens (parce qu’ils assistaient à un concert de rock au Bataclan ou buvaient un verre en terrasse). Le salafisme interdit l’alcool et la musique.
En introduction au documentaire, vous dites que “ce film choquera peut-être mais nous le croyons nécessaire” …
Notre propos est choquant car le salafisme est un discours que l’on ne veut pas entendre et que l’on camoufle à chaque nouvel attentat. Il faut arrêter de penser que ces terroristes sont des fous isolés. Cela reviendrait à expliquer le nazisme par la seule personnalité d’Hitler.
Après les attaques à Nice en juillet 2016 ou à Strasbourg en décembre 2018, les ministres de l’Intérieur se sont contentés de dire que la situation était “compliquée”. Des semaines durant, on a rejeté la faute sur les prétendus problèmes personnels des terroristes. Or, une vingtaine de personnes ont été mises en examen pour l’attentat de Nice et il a été avéré que le tueur de Strasbourg préparait la fusillade depuis longtemps. Ce n’était pas un simple délinquant.
Ne craignez-vous pas d’offrir une tribune aux propos de ces chefs islamistes ?
Lorsque l’on parle de sujets brûlants comme celui-ci, on prend toujours le risque minuscule que quelques illuminés soient impressionnés par le propos. Pour Salafistes, ça n’a pas été le cas. Ce n’est pas un film de propagande. Il n’intéresse pas les djihadistes et nous ne faisons pas de publicité aux personnes interviewées. Quant à la violence des images, c’est un faux problème : non seulement nous les avons éditées, mais beaucoup de gens les ont déjà vues.
Notre film est clair dans son montage. Nous alternons les propos savants et articulés des leaders et des images de violences et de meurtres. En outre, notre position est exprimée au début et à la fin du documentaire : il est dédié aux victimes des attentats en France et nous rappelons que le salafisme est une tendance minoritaire mais dangereuse.
J’ai toujours pensé qu’il ne fallait pas se voiler la face. Il ne faut pas hésiter à montrer les bourreaux et les gens dangereux et ne pas s’autocensurer. Ce n’est pas en niant les problèmes que l’on peut les résoudre.
Sortie américaine : 25 janvier 2019
Durée : 75 min
Réalisateur : François Margolin et Lemine Ould Mohamed Salem
Distributeur américain : Cinema Libre Studio