France-Amérique : L’euro atteint des niveaux historiquement bas par rapport au dollar. Comment expliquer cette évolution ?
Jérôme Héricourt : Cette évolution est rapide. Début mai 2014, 1 euro valait 1,39 dollar. Aujourd’hui, on tourne autour de 1,05 dollar, soit une baisse de 25%. Je vois deux facteurs fondamentaux qui permettent d’expliquer cette baisse de la monnaie européenne. D’abord, l’écart de croissance entre la zone euro et les Etats-Unis. Selon les prévisions du FMI qui datent de janvier 2015, la croissance de la zone euro en 2014 était de 0,8% contre 2,2% aux Etats-Unis. Pour 2015, selon le FMI, l’écart est encore plus grand : 1,2% pour la zone euro contre 3,6% pour les Etats-Unis. Les Etats-Unis présentent donc plus d’opportunités d’investissements que la zone euro. Ainsi, les capitaux vont affluer là où les profits peuvent être réalisés. Les acteurs économiques vont donc acheter des dollars et vendre des euros. Le deuxième facteur important, c’est la différence entre la politique monétaire menée par la BCE (Banque Centrale Européenne) et celle de la FED (Federal Reserve, banque centrale américaine). Dans la zone euro, après plusieurs années d’atermoiements, la BCE s’est enfin décidée à mener une politique expansionniste, dite de quantitative easing. A l’inverse, la FED a arrêté cette politique depuis la fin de l’année dernière, et a même fait comprendre qu’elle pourrait relever ses taux d’intérêt. La politique plus restrictive de la FED et l’assouplissement de la BCE aboutit donc à une baisse de l’euro et à une hausse du dollar.
La baisse de l’euro face au dollar va-t-elle se poursuivre jusqu’à la parité (1 euro = 1 dollar) ?
Je n’ai pas de boule de cristal, mais je peux vous livrer mes impressions. On est arrivé dans une zone où les anticipations réalisatrices des marchés financiers influent sur le taux de change euro-dollar. On entre dans une sorte de bulle, où tout le monde vend des euros et achète des dollars, pour se conformer à la tendance des marchés financiers. Je crois donc qu’on va bientôt atteindre la parité. Si les données macroéconomiques restent les mêmes, il est possible d’atteindre ce niveau d’ici à l’été.
Une fois ce plancher atteint, que se passera-t-il ?
C’est difficile à prévoir. Si la parité est atteinte, cela voudra dire qu’on entre dans une période de surévaluation du dollar et de sous-évaluation de l’euro. De fait, on estime la parité d’équilibre à 1 euro pour 1,10 dollar, voire 1,15 dollar.
Peut-on imaginer un retour à un taux de change à 1 euro pour 1,40 dollars, comme il y a plusieurs mois ?
A terme, oui. Le taux de change euro-dollar a connu beaucoup de fluctuations, le dollar face à l’euro a évolué entre 0,80 dollar et 1,60 dollars. Mais pour retrouver un tel niveau, je pense qu’il faudra attendre au moins deux ans. Pour qu’il y ait un rééquilibrage, il faudrait que la reprise dans la zone euro soit très robuste et que les Etats-Unis ralentissent.
Cette baisse de l’euro profite-t-elle aux entreprises européennes ?
Oui, c’est incontestable. A l’échelle de la France, mes calculs montrent qu’une baisse de 10% de l’euro par rapport au dollar permet d’augmenter les exportations vers les Etats-Unis d’environ 7%. Et les prévisions les plus pessimistes montrent qu’une dépréciation de l’euro de 10% par rapport à ses monnaies partenaires a pour conséquence un surplus de croissance pour la France de +0,2% la première année et +0,5% la deuxième… La baisse de la monnaie européenne est donc un vrai facteur de reprise économique.