Un logiciel qui filtre les images violentes, reconnaît en quelques secondes des photos de sport ou conduit une conversation avec un humain : tels sont les projets sur lesquels va travailler le laboratoire de recherche sur l’intelligence artificielle de Facebook, qui ouvert ses portes mardi à Paris.
Il s’agit du troisième site de ce type pour Facebook, après ceux ouverts au siège de Menlo Park, en Californie, et à New York. A Paris, l’équipe de FAIR, pour “Facebook Artificial Intelligence Research”, compte déjà six personnes, recrutées à l’Institut national de recherche informatique et en automatique (Inria), à l’Ecole Normale Supérieure ou à l’Institut français du pétrole.
D’ici la fin de l’année, le laboratoire parisien de Facebook devrait travailler avec une douzaine de personnes et employer, à terme, “entre 40 et 50 personnes”, en comptant les doctorats et post-doctorats, dont 20 à 25 chercheurs permanents dans les domaines de l’informatique, de la robotique ou des sciences cognitives (psychologie, linguistique, neurosciences…). Mais nulle blouse blanche ou éprouvette pour ces chercheurs qui travaillent plutôt sur des super-ordinateurs avec des serveurs informatiques afin de disposer de la puissance de calcul nécessaire.
Parmi les domaines prioritaires pour le réseau social de 1,4 milliard d’utilisateurs, figure la reconnaissance d’images. Lors d’une démonstration à Paris, Mike Schroepfer, le directeur technique de Facebook, a présenté un logiciel qui identifie en quelques secondes des images de sports ou est capable de différencier du patinage artistique du patinage de vitesse. “Affiner la reconnaissance d’images permettra de donner aux internautes toutes les infos qu’ils veulent, de les trier en fonction de leurs centres d’intérêt”, a-t-il précisé. Cela favorisera aussi l’élimination des “spams et, à terme, les vidéos violentes”, selon Yann LeCun, professeur à l’Université de New York et recruté fin 2013 pour diriger l’intelligence artificielle du réseau social.
Un Français derrière l’IA de Facebook
Arrivé aux Etats-Unis dans les années 80 pour travailler dans un centre de recherche d’AT&T, Yann LeCun a été recruté en janvier 2014 pour prendre la tête du laboratoire de recherche en intelligence artificielle du réseau social. Repéré pour ses publications sur l’IA par Mark Zuckerberg, le Français de 55 ans a été séduit par la liberté que lui laissait Facebook sur ses travaux de recherches. Yann LeCun a également été libre de composer ses équipes qui se trouvent aujourd’hui en Californie, à Londres, et désormais à Paris.
Pour lui, l’objectif est de “comprendre les centres d’intérêt des gens pour faire le tri et valoriser ce qui les intéresse et aussi ce qu’ils doivent savoir”. La reconnaissance du langage ou reconnaissance vocale, autre champ de prédilection pour Facebook, doit permettre quant à lui une meilleure interaction entre l’homme et l’ordinateur.
“Dans les années 90, nous avons commencé à pouvoir reconnaître les caractères, ce qui a été appliqué pour traiter les chèques, par exemple”, a expliqué Yann LeCun. “Maintenant, vos smartphones sont équipés de reconnaissance de la parole. Mais ce que nous voulons, dans 5 ou 10 ans, c’est que l’ordinateur puisse traduire un texte, le résumer ou répondre aux questions que l’on se pose sur ce texte et même avoir des conversations. Nous devons permettre aux machines de faire des tâches qui nécessitent un raisonnement”, a-t-il détaillé.
Facebook, qui a des bureaux bien plus importants à Londres, notamment, a opté pour Paris à cause de “sa concentration de talents dans le domaine de la recherche en informatique et en intelligence artificielle avec lesquels nous voulons travailler”, a déclaré Mike Schroepfer. Un choix qui a ravi le ministre de l’Economie Emmanuel Macron qui l’a fait savoir sur les réseaux sociaux. “C’est une preuve très forte de l’excellence de la recherche française. Cette implantation créera une dynamique positive en offrant des débouchés aux chercheurs français et en attirant les meilleurs chercheurs européens”, a-t-il estimé.
L’annonce de Facebook est intervenue alors que les groupes technologiques américains (Google, Amazon, Apple, eBay, LinkedIn) sont dans le collimateur des autorités fiscales en France et ailleurs en Europe. Le produit de ces recherches sur l’intelligence artificielle pourra, à l’avenir, être intégré dans les produits de Facebook, dont le casque de réalité virtuelle Oculus, incitant ainsi les utilisateurs à passer plus de temps sur le réseau social.
Ce secteur de l’intelligence artificielle est stratégique pour les grands acteurs du web qui vivent de la publicité, comme l’illustre le partenariat récemment conclu par Google avec l’université d’Oxford, également dans ce domaine. Parmi les futurs partenariats du laboratoire parisien, Facebook est en discussion avec l’Institut national de recherche informatique et en automatique de Paris.