Le général devenu premier président américain, ou du moins Ron Carnegie qui a enfilé son costume, faisait partie des centaines de personnes venues assister, dans une atmosphère festive, à l’arrivée du trois-mâts aux premières heures d’un jour grisâtre, avec coups de canons, musiques militaires, feux d’artifice et hymnes nationaux.
Partie le 18 avril de l’île d’Aix, la frégate a entamé avec la petite ville historique un périple qui doit la conduire le long de la côte est des Etats-Unis pour onze étapes dans les hauts lieux de la Révolution, Boston, Philadelphie, avant une douzième escale au Canada. L’apothéose est prévue en baie de New York, où “L’Hermione” sera escortée par des centaines de bateaux pour la grande parade du 4 juillet, jour de l’Indépendance américaine, sous le regard de la statue de la Liberté.
A Yorktown, charmante bourgade de maisons historiques de bois ou de briques, une cérémonie officielle a célébré l’amitié entre les deux pays. “Nous sommes aujourd’hui plus forts grâce à cette amitié”, a lancé le gouverneur de Virginie Terry McAuliffe, devant une assistance composée aussi bien de personnages en costumes d’époque que de responsables, notamment militaires, français et américains.
Une alliance qui “n’a jamais failli”
Avant de lui offrir un exemplaire d’une gravure de la déclaration des droits de l’homme, la ministre française de l’Ecologie Ségolène Royal a rappelé, en anglais, “le moment crucial pour notre alliance” de l’arrivée de “L’Hermione” venue en 1780 apporter le soutien de la France aux insurgés contre l’Angleterre. “Cette alliance n’a jamais failli”, a-t-elle ajouté.
Aux premières heures de la matinée, enveloppée d’un brouillard qui la rendait plus belle, la frégate a tiré 21 coups de canon pour annoncer son arrivée dans le port, avant d’être elle-même saluée par une canonnade sur terre. Avec force “Hip Hip Hip hourrah”, l’équipage a ensuite régalé les badauds de chansons de marins avant que ne descende de l’échelle de coupée un jeune La Fayette, qui a souhaité “Bienvenue” en français à George Washington. “Je lui ai ensuite fait visiter le bateau”, a indiqué Gilbert du Motier, marquis de La Fayette (1757-1834), alias Tristan Emerit, 25 ans, gabier sur le bateau.
Le capitaine Yann Cariou était aussi ravi de l’accueil “très chaleureux” réservé par les Américains. “Ils sont émus de voir ce navire qui, au départ, a été aux ordres du Congrès du Massachusetts”, a-t-il dit. La traversée de l’Atlantique à une vitesse moyenne de 6,2 noeuds (10 km/h) “s’est bien passée, malgré des vents plus faibles que prévu. C’est un excellent navire. Il se comporte tout le temps parfaitement. A l’occasion d’un coup de vent, le navire s’est montré à la hauteur, et l’équipage aussi”. “Ca fait 18 ans que j’attends ce moment. C’est un grand moment d’émotion”, a confié Brigitte van den Hove-Smith, franco-américaine et présidente de l’association Friends of the Hermione pour la Floride.
“Magnifique frégate”
“C’est un jour tellement merveilleux. Nous n’oublierons jamais la France sans laquelle nous ne serions pas les Etats-Unis”, a confié Catherine Camillucci, la soixantaine, venue de la ville voisine de Gloucester. Quant au bateau, “il est magnifique”, a confié John Broadwater, un archéologue marin à la retraite.
Un dépôt de gerbe a célébré le souvenir de la déterminante bataille de Yorktown. La ville, à l’embouchure de la baie de Chesapeake, a été le théâtre de la déroute anglaise en octobre 1781 face aux insurgés américains commandés par George Washington, aidés de La Fayette, du comte de Rochambeau et de l’escadre de l’amiral de Grasse.
Trois jours de festivités sont prévus dans la ville, avec visites du bateau et de multiples événements. “L’Hermione”, qui fait 65 mètres de longueur, a été reconstruite à Rochefort à l’identique du bateau du marquis qui a coulé en 1793, au cours d’un chantier titanesque qui a duré 17 ans. L’association Les Amis de l’Hermione-Lafayette en Amérique a aidé à lever un quart des 4,5 millions de dollars du coût du voyage.