Avec son dossier en médaillon et ses accoudoirs, la chaise “Louis Ghost” (2002) est la pièce maîtresse du designer français Philippe Starck. Son armature plastique de style “Louis quelque chose” réconcilie le style baroque avec l’ère industrielle moderne et la production de masse : c’est le siège design le plus vendu au monde.
Décorateur attitré de l’Élysée dans les années 1980, le designer contemporain Philippe Stark assied sa renommée en redécorant le café Costes à Beaubourg, en 1984. En 2002, il imagine le fauteuil Louis Ghost, une relecture du célèbre fauteuil à médaillon de style Louis XVI, créé par le maître menuisier de Versaille Louis Delanois en 1769.
Ostentatoire mais bon marché (250 euros pièce), ce fauteuil en plastique aux allures de trône se veut un clin d’œil aux temps du faste révolu. Matériau banal et sans noblesse, production industrielle de masse à bas coût : on frôle l’imposture, ou pire, la faute de goût. Soit ! Philippe Starck décide de faire disparaître l’objet : il maintient les lignes baroques du fauteuil original mais remplace sa matière—bois et les tissus—par du polycarbonate cristallin, un matériau que Starck a été l’un des premiers designers à utiliser.
La désincarnation de l’objet
Transparente, dématérialisée, la chaise est réduite à sa structure intime. “En réalité, explique Philippe Starck pour la promotion de son objet, la chaise Louis Ghost est auto-projetée. C’est une ‘Louis quelque chose’, une sorte de spectre, de reflet, l’ombre d’une chaise déclinée dans un style que j’ai appelé Louis Ghost, le fantôme Louis”.
S’agit-il encore d’une chaise ? “À l’époque, il y avait soit la chaise, soit le fauteuil. On me disait : “Mais pourquoi faire des chaises à accoudoirs ?” J’expliquais que les gens allaient rester à table plus longtemps, et que le salon, la salle à manger allaient finir par se confondre.”
Le public suit et Louis Ghost devient un best-seller. Avec plus d’un million d’exemplaires vendus depuis sa création, c’est la chaise de design la plus vendue au monde ! La propriété du polycarbonate—résistant aux éraflures et au mauvais temps—en fait une chaise de salon comme de jardin. Fort de ce succès, Kartell déclinera la série Ghost à volonté : la chaise Victoria Ghost, plus simple et sans accoudoirs ; les tabourets Charles Ghost ; et la chaise miniature pour enfants Lou Lou Ghost.
La Louis Ghost n’a cessé depuis d’être transformée, habillée, peinte par différents artistes. En 2004, elle a ainsi été redessinée par quarante trois créateurs, parmi lesquels Christian Lacroix, John Galliano, Jean-Charles de Castelbajac et le designer Élizabeth Garouste. On la trouve aujourd’hui dans toutes les couleurs : cristal, fumé, jaune paille, orange, vert, bleu glace, et même en opaque noir ou blanc. Avec le même souci d’économie des matériaux et de simplicité qui ont fait son succès.
Article publié dans le numéro de novembre 2015 de France-Amérique.