President Trump, but Nothing More

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Les Etats-Unis étant le laboratoire de notre avenir, que nous enseigne le scrutin du 8 novembre ? Les distinctions gauche-droite et Républicains-Démocrates se fissurent. Et loin des deux côtes, oubliée des discours, Middle America est en crise.

Le partage entre droite et gauche, qui semblait universel, ne fonctionne plus. Il y a quatre ans, la confrontation entre Barack Obama (Démocrate) et Mitt Romney (Républicain) ressemblait à n’importe quelle élection antérieure, aux Etats-Unis comme en France. La gauche américaine était seulement moins révolutionnaire que les gauches françaises et la droite américaine, plus “conservatrice”. Cette fois-ci, placer Clinton à gauche et Trump à droite n’explique rien. Les candidats à la présidence se sont situés sur un axe nouveau, qui va de la “société ouverte” (Clinton) à la “société fermée” (Trump). Du côté de la société ouverte, on accepte la diversité culturelle, l’immigration et les échanges internationaux. Rassemblés autour de Donald Trump, les partisans de la société fermée brandissent en étendard le respect des traditions, craignent que l’immigration ne sape les intérêts nationaux et rejettent le multiculturalisme et la mondialisation.

Que l’électorat de Trump soit plutôt blanc, plutôt masculin et plutôt chrétien décrit le malaise de cette tranche de la population face aux métamorphoses de la société moderne, qu’il s’agisse de l’évolution des mœurs ou des soubresauts de l’économie. Donald Trump a enflammé cette moitié du peuple américain, répandant ses frustrations via les réseaux sociaux. Trump est le contemporain de Twitter, support déterminant de sa campagne. Jamais la presse classique n’aurait relayé des sentiments aussi tabous que sa xénophobie et son sexisme. Sur les réseaux sociaux, tout est permis : allergie à un président noir, dénonciation de l’”invasion” musulmane et latino, attaques contre le mariage homosexuel et l’égalité des sexes. On croit que les idées changent le monde mais les moyens de communication le changent plus encore.

En conclura-t-on que les Etats-Unis sont devenus ingouvernables, la société irréparablement divisée et que la démocratie n’y fonctionne plus ? Les Etats-Unis sont bien équipés pour survivre à ce scrutin grâce à leur Constitution, ce contrat sacré qui transcende l’adversité partisane. Hantés par un retour de la monarchie ou le risque d’une dictature militaire, les fondateurs des Etats-Unis ont créé des institutions qui interdisent tout excès de pouvoir. Donald Trump ne sera que président et, comme Barack Obama, un Gulliver ficelé par des Lilliputiens. Les contre-pouvoirs américains sont si contraignants qu’au contraire de la France, le président seul ne peut pas grand-chose. Toute décision majeure ne procède que d’une lente négociation avec les représentants et les sénateurs.

L’Amérique est un régime de cohabitation perpétuelle. Si Trump ne s’y plie pas, il sera destitué par le Congrès. Ajoutons que Trump ne gouvernera que la fédération, tandis que chaque Etat conservera d’immenses pouvoirs, comme l’éducation et la police. L’économie, capitaliste et mondialisée, restera insensible aux injonctions présidentielles. Cet ensemble baroque continuera à obéir aux juges qui ont le dernier mot sur tout. Le rôle de Commandant en chef des forces armées est le seul espace de pouvoir autonome laissé au président — à supposer que le complexe militaro-industriel (une expression popularisée par le président Eisenhower) y trouve son intérêt.

Au final, loin des promesses de campagne, le pouvoir véritable de Trump sera une magistrature d’influence — c’est important quand l’opinion publique et les médias dictent les choix politiques, mais pas plus que cela. Donald Trump, en dépit de son air bravache, aura les mains liées.