La vie politique en France a soudain rallié les mœurs américaines au point que l’on évoque un Watergate. Les ingrédients se ressemblent, mais très dilués dans le cas français.
L’affaire Benalla — du nom du collaborateur d’Emmanuel Macron licencié pour avoir agressé deux étudiants en marge des manifestations parisiennes du 1er Mai — est, en effet, relativement simple : le président emploie un garde du corps, homme à tout faire, rémunéré sur les fonds secrets de l’Elysée, sans tenir compte des règles administratives. La police le sait et laisse agir Benalla, l’homme du président, à sa guise, même quand il se livre à des violences inadmissibles. L’entourage du président puis le président lui-même essaient de minorer l’affaire en prétendant qu’elle n’en est pas une. Des Alexandre Benalla, il y en a toujours eu autour des chefs d’Etat français et des ministres qui se comportent dans leur palais parisien comme les aristocrates de l’Ancien Régime. Rien de nouveau ?
Ce qui est inédit, c’est le réveil des médias et du Parlement. Comme aux Etats-Unis, ceux-ci ont enquêté et dénoncé les turpitudes du pouvoir comme jamais auparavant, sans respect pour ces mœurs d’Ancien Régime. Comme aux Etats-Unis, une commission d’enquête parlementaire a convoqué et auditionné ministres et hauts fonctionnaires, naguère anonymes et intouchables. Soumis à la question, on les sent extraordinairement mal à l’aise sous l’œil des caméras et des Français, passionnés par l’affaire. Macron et ses partisans dénoncent “l’hystérie collective”, alors qu’il s’agit — une grande première — de l’exercice normal de la démocratie. Le président de la République, monarque élu, et sa clique de technocrates sont, sans précédent, ramenés à leurs obligations légales, et à leur pouvoir absolu s’opposent, enfin, de véritables contre-pouvoirs.
L’affaire Benalla, assez insignifiante sur le fond, a transformé, de manière radicale et sans doute durable, la monarchie élective en une démocratie constitutionnelle. C’est une révolution.