Retour sur les origines de la Saint-Valentin, tour à tour fête païenne, célébration catholique, sordide coutume médiévale, tradition romantique et rituel commercialisé par les vendeurs américains de cartes postales.
Les Américains ont le goût de la fête, plus que les Français : on passe sans cesse d’une célébration à l’autre, sans transition si possible. Il s’y ajoute aussi une capacité singulière à transformer ces fêtes en foires commerciales, ce que les Français ne savent pas trop faire. Ainsi la Saint-Valentin est-elle, aux Etats-Unis, devenue une gigantesque kermesse — 145 millions de carte de voeux sont envoyées à cette occasion.
Les origines de la Saint-Valentin sont floues et guère romantiques. Au IIIe siècle après Jésus-Christ, le prêtre Valentin de Terni mariait les couples chrétiens en cachette. Il fut décapité par l’empereur romain Claude II un 14 février. La fête des Lupercales, célébrée depuis l’Antiquité, pourrait offrir une autre hypothèse : du 13 au 15 février, des boucs étaient sacrifiés et les jeunes femmes fouettées avec des lanières taillées dans la peau des animaux. Un rituel censé accroître la fertilité des futures épouses. L’Eglise catholique aurait interdit cette pratique au Ve siècle de notre ère et instauré, pour la remplacer, la Fête des Amoureux.
Andrea Camassei, Lupercalia, vers 1635. © Museo Del Prado
Au Moyen-Age, la tradition galante prend un tour sinistre. Le 14 février, explique le sociologue français Jean-Claude Kaufmann, les hommes prennent l’habitude de se déguiser en ours et de chasser les femmes. L’ours en peluche que s’offrent les amoureux d’aujourd’hui rappelle cette coutume.
Billets doux et cartes de vœux
Avec la Renaissance revient la romance. Des processions sont organisées au mois de février pour fêter les nouveaux couples. Les jeunes hommes, surnommés les “Valentin”, choisissent leur cavalière. En 1496, le pape Alexandre VI canonise Valentin de Terni et lui confère le titre de “saint patron des amoureux”. Au XIVe siècle, l’Anglais Geoffrey Chaucer mentionne dans ses poèmes la tradition des billets doux que s’échangent les “Valentin” et les “Valentine”. Un rite rapidement adopté aux Etats-Unis.
La Saint-Valentin, illustrée dans les pages du magazine américain Harper’s Weekly en 1864.
Telle qu’on la connaît en Amérique, la Saint-Valentin est une création du milieu du XIXe siècle, quand apparurent les premières cartes postales. A la même époque, le caricaturiste américain Thomas Nast crée le Père Noël tel qu’on le représente partout dans le monde, avec sa houppelande rouge, et illustre les premières cartes de vœux dans les pages du magazine Harper’s Weekly. Sous l’influence des patrons de presse américains, la Saint-Valentin moderne est née.