Fidèle à sa méthode, Laurent Cantet (Palme d’Or à Cannes pour Entre les murs en 2008) — se penche à nouveau sur les thèmes de la jeunesse et du collectif avec le co-scénariste Robin Campillo (César 2018 du meilleur réalisateur pour 120 battements par minute). Nous avons posé trois questions au réalisateur de passage à New York au moment de la sortie du film aux Etats-Unis.
A La Ciotat, près de Marseille, une femme écrivain à succès, Olivia (Marina Foïs) quitte Paris pour animer, le temps d’un été, un atelier d’écriture avec des jeunes en réinsertion. Parmi eux, Antoine (Matthieu Lucci), un garçon taciturne qui aime les armes et adhère aux discours nationalistes de l’extrême-droite. Ce dernier va s’opposer à Olivia que la violence du jeune homme alarme en même temps qu’elle la fascine… Le film brosse le portrait d’une jeunesse française à la dérive et révoltée. Sans être didactique ni moralisateur, Cantet livre une œuvre politique sur le dialogue entre deux mondes qui peinent à se rencontrer.
France-Amérique : Il est beaucoup question dans le film de la parole, y compris de son absence chez Antoine qui est avare de mots. Le dialogue à l’atelier, qui doit permettre aux jeunes de s’exprimer, a souvent lieu dans la confrontation. Est-ce un film sur le langage et la difficulté à communiquer ?
Laurent Cantet : C’est en tout cas un film sur les mots, sur la quête du mot juste, qui est une arme sociale. Comme dans Entre les murs, la parole de ces jeunes m’intéresse car elle est n’est pas policée. C’est aussi un film sur le dialogue entre deux mondes : celui de l’intellectuelle qui s’exprime bien, passe à la télévision, qui est capable de manipuler le discours. Et celle de jeunes désarmés par ce langage qui vont tenter de s’accaparer la force des mots pour trouver leur place dans la société.
Pourquoi avoir filmé à La Ciotat, plutôt qu’à Marseille tout proche, que vous connaissez bien ?
C’est une ville que j’aime beaucoup et qui a un passé très fort, marqué par la lutte ouvrière. L’un des objectifs de l’atelier d’écriture dans le film est d’inciter ces jeunes à se réapproprier l’histoire glorieuse de leur ville, puisque le scénario du roman que ces jeunes doivent écrire ensemble doit inclure des éléments de leur environnement quotidien. Cette culture ouvrière disparue avec la fermeture du chantier naval dans les années 1970. Le site existe toujours mais il sert aujourd’hui à l’entretien des yachts de luxe.
Faut-il voir dans L’Atelier le portrait d’une génération en mal d’aspiration ?
Le film n’est pas un documentaire sur la jeunesse. Mais nous avons écrit le scénario au lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo. Il s’est écrit dans un contexte d’urgence, celui d’une jeunesse en mal de perspectives et de repères. C’est aussi un film sur le pouvoir de séduction des extrémismes de tout bord comme le nationalisme ou le djihadisme. Le film montre que face à l’ennui et au sentiment d’impuissance, cette jeunesse est en danger.
Sortie américaine : 23 mars
Réalisateur : Laurent Cantet
Avec : Marina Foïs, Matthieu Lucci, Florian Beaujean
Distributeur : Strand
Durée : 113 min