Née à New York, la Française commence par étudier la peinture à l’Ecole de design de Rhode Island mais, “traumatisée par l’expérience-même de l’école d’art”, elle abandonne la toile et les couleurs, commence un diplôme en sémiotique de l’art à l’Université de Brown voisine et se découvre une passion pour le dessin. Chez un bouquiniste de Providence, RI, elle déniche deux vieux livres de comptes qu’elle commence à utiliser en cours : la partie vierge pour prendre ses notes de cours et la partie noircie de chiffres et de comptes, pour dessiner. “Le langage de ces vieux livres de comptes a influencé la manière dont je dessine aujourd’hui : les lignes de la page semblaient inviter la géométrie.”
À son père architecte, elle emprunte les outils du dessin technique, règles, compas, gabarits, courbes, trace-cercles et à sa mère, guérisseuse nourrie de spiritualité et de médecines alternatives, une fascination pour les religions orientales. Les “deux extrémités de cet éventail” se rejoignent lors d’un séjour en Inde, où les motifs géométriques sont présents dans les fresques hindoues comme dans les dessins de méditation tantrique. “Je travaillais déjà avec des outils d’architecte auparavant, mais le fait de me retrouver entourée de ces temples et de ces rituels a eu une grande influence sur mon travail.”
Un processus monastique
D’abord croquis d’architecte à la mine de graphite, plans de complexes cathédrales érigées en honneur de divinités symétriques, les formes géométriques de Louise Despont s’évaporent avec le temps. Dans les vieux livres de comptes, la couleur fait son apparition. Puis la figuration, sous forme de divinités de la mythologie hindoue. Ça et là, tracés dans la comptabilité de la “Standard Fire Insurance Co. of New Jersey”, apparaissent un maharadja en turban ou une princesse indienne.
L’artiste poursuit ses allers et retours entre New York et New Dehli et s’installe à Bali où elle vit aujourd’hui. Elle commence à détacher les pages de ses cahiers et à les assembler, jusqu’à tapisser le sol et les murs de son studio. Les dessins deviennent réalisations spirituelles, mandalas indiens, tangkas tibétains. “Chaque couche de couleur est appliquée une par une, très lentement pour obtenir un fond uniforme, puis décolorée à l’aide d’un mouchoir en papier, c’est un processus très lent. La lenteur même du processus rejette toute impatience et laisse à la vision du dessin final le temps de venir.”
Approchée par le Drawing Center pour réaliser une installation de ses dessins, Louise Despont a fait appel au composeur Aaron Taylor Kuffner pour sonoriser l’espace. Sur les murs latéraux du musée, l’artiste a accroché son Gamelatron : un orchestre de percussions balinaises, programmé pour jouer automatiquement. Lorsque commence la musique, feutrée, l’espace prend des airs de temple hindou et le visiteur, assis face aux mandalas pastel, se laisse emporter.
Louise Despont: Energy Scaffolds and Information Architecture
Jusqu’au 20 mars 2016
The Drawing Center
35 Wooster Street
New York, NY 10013
www.drawingcenter.org