Pour certains publicitaires, c’est un fait acquis : tout le monde parle anglais. Et tant pis – ou tant mieux – pour ceux qui ne comprennent pas cette langue : les slogans doivent les faire rêver encore plus. Explications avec Dominique Mataillet, amoureux de la langue et chroniqueur de notre rubrique magazine “Le français tel qu’on le parle”.
L’exemple de l’automobile, où beaucoup de constructeurs inondent la France de slogans en anglais, est à cet égard édifiant. Un échantillon de ce qu’est proposé aux Français en ce début de 2015 : “Innovation that excites” (Nissan), “The Power of Dreams” (Honda), “Find new Roads” (Chevrolet), “Above & Beyond” (Land Rover), “Technology to enjoy” (Seat), “New Thinking. New Possibilities” (Hyundai), “Drive@earth” (Mitsubishi)
Comme si elles n’osaient pas aller jusqu’au bout de l’anglomanie dominante, les marques françaises se limitent au sabir franglais : “Motion & Emotion” chez Peugeot, “Créative Technologie” chez Citroën. BMW et Ford ont peut-être trouvé la bonne formule, affichant deux slogans sur la même publicité : “Efficient Dynamics. Le plaisir de conduire” pour le premier, “Go further. Allons plus loin” pour le second. Mercedes choisissant d’alterner “The best or nothing” et “Le meilleur, sinon rien”.
Mais il n’y a pas que l’anglais. Forts de l’image de leur pays, les constructeurs allemands revendiquent fièrement leur pedigree : “Das Auto” (Volkswagen), “Wir leben Autos” (Opel) et même – “Vorsprung durch Technik” (Audi). Un bon point à l’Italien Fiat, “Fabricant d’optimisme”, qui joue la carte francophone, de même que les japonais Toyota : “Toujours mieux, toujours plus loin” et Lexus : “L’excellence en mouvement”.
Il faut rendre justice à Renault. “Des voitures à vivre”, “Créateur d’automobiles”, “La France avance, Renault accélère”, “Changeons de vie, changeons l’automobile”… Les slogans s’enchaînent, mais l’ancienne régie nationale est – presque toujours – restée fidèle au bon vieux français pour ses publicités en France.
Ce qui n’est pas le cas de la compagnie aérienne nationale. Après “Faire du ciel le plus bel endroit de la terre”, qui aura tenu quinze ans, elle s’est convertie à l’anglais en 2014 avec “France is in the Air”. Indépendamment du choix des langues de communication, les spécialistes du marketing relèvent une banalisation et un affadissement des messages publicitaires.
Le temps semble lointain où les réclames, comme on appelait les publicités il y a un demi-siècle, étaient parlantes. Ce qui s’apparente à une tautologie puisque, à l’instar des délicieux “Dubo, Dubon, Dubonnet” et “André, le chausseur sachant chausser” ou du très raciste “Y’a bon Banania”, elles étaient souvent conçues pour la radio. Dans ces deux cas, l’allitération – la répétition de la même consonne – aidait à la mémorisation du message. On utilisait aussi, comme dans “Du pain, du vin, du Boursin”, l’assonance – la répétition d’une même voyelle. Avec “Quand c’est trop, c’est Tropico” et “Il n’y a que Maille qui m’aille”, on a à la fois allitération et assonance. Un bon slogan, nous disent les spécialistes, c’est une musique. “Des pâtes, des pâtes, oui mais des Panzani” – on notera ici aussi l’allitération – sonne pour beaucoup d’entre nous comme un refrain lancinant.
Sans faire nécessairement appel à l’une des figures de style évoquées ci-dessus, d’autres slogans ont marqué l’histoire récente de la publicité en France : “Parce que je le vaux bien” (L’Oréal), “Afond la forme” (Decathlon), “Buvez, éliminez” (Vittel), “On se lève tous pour Danette”, – “Carte noire, un café nommé désir”, “Il a Free, il a tout compris”, “Clio : elle a tout d’une grande”, “Sega, c’est plus fort que toi”, “C’est ceux qui en parlent le moins qui en mangent le plus” (McCain), “Un coup de barre ? Mars, et ça repart”. D’autres en anglais : “Just do it” (Nike), “You can” (Canon), “Think different” (Apple), “Nespresso, what else ?”, “Have a break. Have a Kit-Kat”.
Les sociétés américaines n’hésitent pas, quand elles veulent mettre l’accent sur leur ancrage en France, à communiquer en français. “Venez comme vous êtes”, le slogan actuel de McDonald’s, connaît un tel succès qu’il a été repris récemment par la présidente du Front national, Marine Le Pen, pour rameuter les électeurs. Mais il n’est pas sûr qu’un tel détournement serve la cause de la chaîne de restauration rapide.