L’affaire Weinstein a déclenché, aux Etats-Unis comme en France, un déluge de réactions. L’affaire DSK, six ans plus tôt, avait reçu une réponse plus discrète.
La société française serait-elle plus hypocrite ou plus tolérante envers les prédateurs sexuels que la société américaine ? Lorsqu’en 2011, il fut révélé — par les Américains — que Dominique Strauss-Kahn avait agressé et tenté de violer une femme de chambre dans un hôtel new-yorkais, il trouva en France quelques défenseurs. Sa carrière politique fut brisée, mais il échappa à la justice. Le directeur du FMI passa quatre nuits à la prison de Rikers Island mais les tribunaux américains, doutant de la validité des accusations, abandonnèrent les charges. Dominique Strauss-Kahn fut relâché sous caution et versa 1,5 million de dollars à sa victime. Depuis, il paraît régulièrement en public et continue de conseiller les entreprises et les gouvernements.
L’affaire DSK ne provoqua pas une vaste interrogation sur les abus de certains hommes politiques envers les femmes. Il n’en va pas de même avec Harvey Weinstein. Le tout Hollywood est accusé par les médias et Weinstein finira probablement en prison pour viols. Le producteur américain pourrait être condamné à une peine de vingt-cinq années de prison si la plainte de l’actrice Lucia Evans, pour viol en 2004, est reçue par le parquet de New York. Le délai de prescription pour les affaires de violence sexuelle a été annulé dans trente-cinq Etats américains (dont New York). En France, par contre, la victime d’un viol ne dispose que de vingt ans pour porter plainte.
Le rejet des prédateurs sexuels devient, aux Etats-Unis, une cause nationale qui, par rebonds, ébranle aussi la société française. La Légion d’honneur remise à Harvey Weinstein en 2012 lui sera retirée, a annoncé Emmanuel Macron. La secrétaire d’Etat Marlène Schiappa, chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, a annoncé cette semaine une loi qui pénalisera le harcèlement de rue et rallongera de dix ans le délai de prescription des crimes sexuels, actuellement fixé à vingt ans. Sur les réseaux sociaux, les hashtags #MeToo (#MoiAussi), lancé par l’activiste afro-américaine Tarana Burke, et #BalanceTonPorc, lancé par la journaliste française installée à New York Sandra Muller, réunissent les témoignages de femmes agressées ou harassées sexuellement.
Le changement des mœurs commence souvent aux Etats-Unis avant de s’imposer en France. Ce fut notamment le cas de l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Le harcèlement sexuel est plus pernicieux encore que le tabac et il est envisageable que l’affaire Weinstein fera heureusement progresser la liberté des femmes, alors que l’affaire DSK avait eu peu d’effet. Peu à peu, la parole se libère.