Le retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris sur le climat est la seule décision concrète prise par le gouvernement Trump en cinq mois. Le président américain avait lui-même longuement hésité, jusqu’à s’en remettre à l’un de ses collaborateurs, militant et engagé, un certain Scott Pruitt, l’ennemi numéro un des écologistes.
Dans ce gouvernement baroque et incompétent, Pruitt apparaît comme l’un des rares esprits capables d’articuler ce que pense le président. Avocat puis ministre de la Justice de l’Oklahoma, Pruitt est l’un de ces fondamentalistes conservateurs pour qui l’élection de Trump est enfin l’occasion de transformer en politique nationale une vision du monde qui était jusqu’alors marginale. A l’image de son idéologie, Pruitt est bâti d’un bloc, s’exprimant sans nuance, sans écouter ni les questions ni les contradictions, une sorte de bulldozer à visage humain, pétri de certitudes comme peuvent l’être les pasteurs évangéliques américains.
Pour Pruitt, tout est simple : Dieu a créé le monde en sept jours, les Etats-Unis sont une nation d’exception et si le climat change, c’est que Dieu l’a voulu. En épousant la doctrine des écologistes qui n’aiment ni l’Amérique, ni le capitalisme ou la croissance économique, Obama a nuit à l’Amérique, assure Pruitt. L’écologisme serait le léninisme de notre temps, ennemi extérieur et plus dangereux encore, infiltré dans les rouages même de l’administration fédérale. La grande erreur des écologistes, ajoute Pruitt, est de ne pas admettre qu’il est possible d’augmenter la richesse nationale et de protéger la nature simultanément.
Pruitt est le directeur de l’Agence de protection de l’environnement (EPA), la puissante administration qui impose de lourdes contraintes aux entreprises qui menacent cet environnement. Or Pruitt, lorsqu’il était avocat, représentait les patrons des mines de charbon et les extracteurs de gaz et de pétrole contre cette agence que maintenant il dirige. Il n’y voit pas de contradiction : son rôle, dit-il, est de remettre l’agence sur ses rails en restaurant sa vocation d’origine, c’est-à-dire protéger la qualité de l’eau et de l’air, et rien d’autre. Ce qu’il fait indéniablement depuis qu’il a pris ses fonctions.
Malheureusement, regrette le directeur de l’EPA, l’administration Obama, obsédée par le réchauffement climatique, avait abandonné cette mission première, laissant s’accumuler des montagnes de déchets chimiques polluants, pour se consacrer entièrement à la lutte contre le dioxyde de carbone émis par l’énergie au charbon, au pétrole et au gaz. « La guerre contre le charbon est terminée », déclare Pruitt : toutes les énergies peuvent désormais se concurrencer entre elles sans que l’Etat ne favorise l’une ou l’autre sous prétexte que certaines seraient plus « renouvelables » que d’autres. Le marché reste le seul arbitre. Il se trouve que le jour de ma rencontre avec Pruitt, une délégation de militants écologistes nous avait accueillis, laissant mon interlocuteur indifférent.
Il n’y aurait donc pas de changement climatique du tout et s’il existe, le carbone n’y serait pour rien ? On ne sait pas, affirme Pruitt, qui est insensible au relatif consensus scientifique sur le sujet. Plus encore, il ne croit pas à la vérité scientifique dans ce domaine. Selon lui, il existe des savants de gauche et des savants de droite : les uns et les autres sélectionnent les faits pour servir leur idéologie. Pour preuve de cet argument bizarre sans être tout à fait inexact, Pruitt va convoquer une assemblée paritaire de chercheurs républicains et démocrates, les enfermera dans un conclave sur le climat et on verra, dit-il, ce qu’il en sortira. Cela rappelle les grands conclaves théologiques de la fin du Moyen Age, quand les dignitaires de l’Eglise étaient appelés à trancher entre la grâce acquise et la grâce reçue. Le débat qui a commencé au XVIe siècle avec le pape, Luther et Calvin dure encore, sans réconciliation. Est-ce à dire que le climat est un sujet théologique ? C’est sans doute ce que Pruitt s’évertuera à démontrer.
En exacerbant la controverse autour du climat et en réduisant l’écologie à la seule protection de l’eau et de l’air, Pruitt entend stimuler la production d’énergie sous toutes ses formes pour garantir l’autonomie des Etats-Unis et en faire un exportateur, ce qui réduirait l’influence politique des pays du Golfe et de la Russie. Cette politique est populaire. C’est sans doute le seul volet du trumpisme qui soit populaire et cohérent. Les écologistes vont avoir fort à faire pour contenir un adversaire aussi déterminé et sans scrupules.